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Le Français, cette langue riche d'avoir accueilli d'autre langues

Invité mardi prochain à Fribourg, le linguiste Bernard Cerquiglini célèbre la diversité du français. Selon lui: «Tous les mots du français sont des immigrés»

«Pour faire entrer un mot dans le dictionnaire, il faut des critères les plus objectifs possibles mais également une bonne dose de flair, cette sorte d’intuition qu’un mot va durer dans la langue», confie Bernard Cerquiglini, conseiller scientifique du Petit Larousse. © Charly Rappo

27 septembre 2023 à 14:30

Temps de lecture : 1 min

Interview » Les mots, comme les hommes, voyagent. Alors, aux partisans de l’identité barbelée, ces deux passeurs répondent: la langue est pulsation vivante, riche des termes immigrés qu’elle a su accueillir au fil des siècles. Se posant en zélés douaniers à la frontière des langues (où ils n’appréhendent pourtant que les contrebandiers du globish mercantile), le linguiste Bernard Cerquiglini et l’académicien Erik Orsenna signent un conte malicieux qui suit les mots à la piste et rend hommage à ces vocables migrateurs sans lesquels le français serait, peu ou prou, muet. «Quand allons-nous comprendre que la diversité des langues nous est aussi nécessaire que la multiplicité des êtres?»

Diversité que célèbre la nouvelle exposition du Musée national à Zurich (lire ci-dessous), et dont Bernard Cerquiglini, conseiller scientifique du Petit Larousse, viendra évoquer les échos dans notre langue à l’occasion d’une conférence à l’Alliance française de Fribourg mardi prochain.

Pourquoi avoir cherché, sous la forme du conte, à faire intervenir la lexicologie dans le débat politique?

Bernard Cerquiglini: Mon ami Orsenna et moi avons publié ce livre pendant la dernière campagne présidentielle française, dont nous craignions qu’elle soit l’occasion de discours xénophobes. De fait, nous n’avons pas été déçus… Notre idée était d’adopter la forme du conte pour montrer aux francophones, et particulièrement aux Français, que leur langue est constituée de mots émigrés, que l’accueil de l’étranger est un enrichissement culturel. Un éloge du plurilinguisme aux accents effectivement très politiques.

Une manière de dénoncer aussi l’idée d’un français «de souche»?

Cette notion est utilisée en politique, où elle n’a pas plus de sens qu’en linguistique. Il n’y a pas d’origine pure de la langue. Le latin lui-même est une langue d’importation. Quant au français, il est un mélange, une créolisation, dont on peut dire que tous les mots sont des immigrés!

Le mot français n’est lui-même pas français…

C’est un mot de la langue franque, c’est-à-dire la façon déformée dont les seigneurs francs ont prononcé le gallo-roman, ce mélange de gaulois et de latin, lorsqu’ils ont franchi le Rhin et conquis la Gaule. Oui, le français porte un nom germanique.

Comment expliquer que l’on entende aujourd’hui dans le français l’écho de plus de 120 langues différentes?

Il est vrai que le français s’est montré singulièrement accueillant, au contraire d’autres langues comme l’islandais par exemple qui accueillent beaucoup moins. C’est que la France est un pays carrefour, on l’a vu malheureusement à l’occasion des guerres mondiales. Un pays qui s’est développé rapidement et a eu besoin de mots nouveaux pour désigner des objets et des idées nouvelles. Dès le Moyen Age, on constate à quel point le français a été ouvert aux apports lexicaux.

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