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Drôles de Romands

Drôles de Romands. «Mais quelle mafia, ces Valaisans!»

Le journaliste et humoriste Daniel Rausis signe un portrait acéré des Valaisans


2 août 2023 à 19:39

Portraits identitaires (3/5) » Cette semaine, La Liberté tend la plume à un comédien qui décrit, sur une note humoristique, ses compatriotes sans oublier de dire un petit mot sur les Romands d’autres cantons.

Quand un quadragénaire valaisan renverse avec sa fourgonnette de livraison un octogénaire genevois, et qu’ainsi il passe enfin dans le journal, la brève est-elle titrée: «Un quadragénaire écrase un Genevois» ou «un Valaisan écrase un octogénaire»? Poser la question c’est y répondre. C’est dire que communément, l’image du Valaisan est connue, tout autant que celle d’un octogénaire, alors que celle du Genevois et du quadragénaire ne se réduisent à aucun cliché.

 

 

Le Valaisan n’est peut-être même qu’une caricature à laquelle il fait semblant d’adhérer pour se construire son identité. Caricature pour la plupart du temps assez sympathique pour ne pas se déprécier en s’y conformant.

S’il y a bien par contre un jugement péremptoire qui l’énerve tout en étant la conséquence du fait que le Valaisan aime à être repérable comme tel dans une structure quelconque, c’est le fameux «Mais quelle mafia, ces Valaisans!»

Un pays ingrat

On est certes d’accord d’accepter que l’on dise qu’on est tous cousins, mais mafieux sûrement pas! C’est même exactement le contraire: une mafia est une association de vrais cousins capable du pire pour s’enrichir alors que le Valaisan s’obstine à s’inventer des cousins pour s’encourager mutuellement à s’appauvrir.

Le Valais est un pays ingrat avec une histoire d’une affligeante banalité et une géographie d’une confondante simplicité. Le peuple de Valaisans qui l’habite aujourd’hui n’a été forgé que par ces deux conditions. Il n’est qu’un effet de sa vallée, entièrement déterminé par elle.

Le peuple valaisan n’est qu’un effet de sa vallée, entièrement déterminé par elle

Le Valaisan fait mine de célébrer son indépendance. Mais si le Valais a été indépendant plus d’un millénaire, c’est précisément parce qu’il n’intéressait personne. Aucune ressource à y piller, aucun avantage à en tirer. Le peuple valaisan, comme disait le curé Furrer, «fier, hardi, redoutable dans ses haines, trop peu riche pour dédommager un conquérant des frais de son asservissement et de sa dépendance» resta donc serré sur lui-même.

Le Valaisan n’est pas indépendant, mais isolé, il n’est pas uni mais confiné, et n’expérimente qu’un axe, en haut et en bas, qui devient la mesure de sa pensée manichéenne, il faut juste chasser le diable du pays, qu’il soit le Rhône qui exigerait de lui une volonté de construire, le loup qui impliquerait qu’on mobilise son intelligence ou n’importe quel autre.

Ainsi, le Valaisan est peu doté et encore moins méritant. Et c’est la raison pour laquelle le Valaisan connaît ses cousins, l’héritage est si pauvre qu’il vaut mieux ne pas le partager, dût-il finalement tomber en ruine, parce qu’à trop de monde, il est impossible d’entreprendre.

Les questions t’as où les vignes? et t’as où les vaches? ne permettent donc que de savoir à quel clan de fatigue on appartient, pour ne pas dire de flemme providentialiste. Puisque le Valaisan n’entreprend pas, il n’aime pas les leaders, il les suspecte à tel point qu’il s’en préserve. Le pays n’a en effet jamais connu de monarque, et les Valaisans n’ont jamais renversé personne, sauf quelques fois avec une fourgonnette.

Il fait ce qu’il peut

Alors le besoin d’admirer, quand il doit trouver son objet, se tournera vers les champions. Ceux qui permettent de croire qu’on est avec eux les meilleurs. Parce qu’ils ont su faire et qu’on est donc sachant en même temps, et champion avec eux. Et c’est pour ça que le Valaisan est resté catholique. Dieu lui offre des champions pour le récompenser d’être attentiste et ainsi le rare et riche entrepreneur, s’il veut qu’on lui pardonne, doit faire croire à son tour qu’il est béni en se risquant lui aussi dans un championnat.

Mais le Valaisan qui croit savoir se trompe. En vérité, il ne fait pas ce qu’il sait mais il fait juste ce qu’il peut. Et ce qu’il peut lui a été donné par la Providence. Par exemple, on est persuadé ici qu’on est les seuls à savoir faire sécher ce lard qu’on livrera jusqu’à Genève. Et pourtant si les Valaisans font du lard sec, ce n’est pas parce qu’ils sont les seuls à savoir le faire, mais parce qu’ils sont les seuls à le pouvoir, car ici l’air est sec comme nulle part ailleurs et permet donc de conserver la viande sans rien faire.

Et c’est donc bien par accident qu’on parlera d’un Valaisan dans un journal. Aux dernières nouvelles, l’octogénaire est rétabli.

Bio Express: Daniel Rausis

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