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Drôles de Romands

Drôles de Romands. «Ici c’est Bienne, qué ouais!»

Blake Eduardo l’assure: à Bienne, on évite de «se discuter» quand on n’arrive pas à s’entendre


31 juillet 2023 à 18:52

Portraits identitaires (2/5) » Cette semaine, La Liberté tend la plume à un comédien qui décrit, sur une note humoristique, ses compatriotes, sans oublier de dire un petit mot sur les Romands d’autres cantons.

Commençons par définir les frontières de ce Jura bernois qu’on essaie souvent de jumeler avec le Zoug zurichois ou les Alpes argoviennes. Ce territoire uni et homogène s’étend du nord de Delémont à l’ouest de Neuchâtel en passant par Soleure et en englobant Morat/Murten.

Il s’arrête bien entendu à Fribourg, qui n’est pas compris dans le Jura bernois, parce que là-bas, on y parle le suisse allemand, partout, tout le temps, surtout quand la patinoire est fermée. En toute logique, Bienne est l’épicentre des bissectrices reliant toutes ces villes. L’exactitude spatiale géométrique de ce calcul est soulignée par une précision temporelle à toute épreuve qui permet de qualifier Bienne de mégalopole horlogère.

 

 

Le «strandebaudène»

Aucune prétention ici derrière, Bienne est la seule ville se trouvant exactement à angle droit du méridien de Greenwich. Le «Biel Mean Time» régit logiquement l’horaire universel de l’internet mondial, ce qui permet de prendre rendez-vous avec des gens vivants, vivant par malchance hors des frontières du Jura bernois.

Notre chère région se caractérise par son bielinguisme, fêté en grande pompe chaque année bielsextile. Les Biennois sont parfois bielsexuels, c’est-à-dire qu’un accouplage entre une ou un francophone et une ou un suissalmophone engendre des conversations colorées en mode 50 nuances de Pantone. Ceci surprend souvent le visiteur hors Jura-Berniste, qui tente d’appréhender la poésie bielbiennoise sans les outils scolaires subtils dispensés par des institutions à la renommée internationale comme la Haute Ecole de la Coupole.

Ainsi, il n’est pas rare de voir des étudiants qui attendent sur leurs camarades pour «schwenzer» les cours et se la dorer au «strandebaudène», ou à la plage des pauvres en buvant des «schlucks» et en finissant complètement à la «strass», qué ouais!

«Häscht du Problem?»

L’université du triangle des Bermudes ayant fermé ses portes depuis quelques années, la serviabilité de certains germanophones se fait plus rare, et l’on entend de moins en moins la question attentionnée «Häscht du Problem?» Jadis, un seul échange de regard me permettait d’engager une interaction sociale fort obligeante sans pour autant comprendre le problème que mon assaillant essayait de solutionner malgré moi. Plus tard, répondre «Häscht du Papier?» m’a permis de me sentir inclus dans un centre-ville nocturne bienveillant, où le Biennois au regard brillant se lie aux sans-papiers sans distinction. On ne peut pas être las, à Bienne, sans savoir que l’on est ici. Parce qu’à Bienne, là, ce n’est pas ici. Là, c’est ailleurs. Et tout le monde sait que mourir à Bienne, c’est traverser la Suze, et non le Styx, pour passer dans l’au-d’ici. Oui, ici c’est Bienne.

Tout le monde sait que mourir à Bienne, c’est traverser la Suze, et non le Styx

Ici et pas ailleurs

Et où qu’il aille, le Biennois qui a le mal du pays peut se repérer pour se répéter ses mots préférés: «Ici c’est Bienne». Même quand il se trouve ailleurs! D’ailleurs le label «Ici ®» est en attente de sa certification internationale, afin que ce déictique cesse d’être utilisé de manière erronée à travers le monde.

En arrivant à Londres, par exemple, le Biennois est souvent perturbé quand il cherche à savoir où il se trouve. Souvent, à la sortie du métro, on peut être témoin de sa crise de panique «spatialo-wasischlos», quand il découvre une flèche rouge «you are here» sur le plan de la ville.

D’un autre côté, le Londonien qui arrive à Bienne est tout autant perdu quand il tente de savoir quand il se trouve. Lire l’heure sur une des nombreuses horloges arrêtées parsemées dans toute la ville n’est pas une mince affaire, qué ouais!

Pour finir, j’ajouterai que, où que j’aille ou que je m’enjaille, malgré mes origines, mes racines sont ici. Car si la vérité est ailleurs, mon cœur reste ici. Et ici, c’est Bienne.

 

Bio express: Blake Eduardo

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