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Parution. Georges Simenon adapté en bande dessinée

L’œuvre de Georges Simenon est adaptée en BD. Rencontre avec son fils John et les auteurs du tome I, José-Louis Bocquet et Christian Cailleaux

Le Passager du Polarlys est le premier des 117 «romans durs» écrits par Georges Simenon.

26 mai 2023 à 14:31

Parution » Dotée d’une baie vitrée aussi large qu’un écran de cinéma, la suite est située au dernier étage d’un bel hôtel lausannois. Elle offre une vue imprenable sur le Léman. En dépit d’un ciel lourd, bas, le panorama ne laisse pas insensible le trio qui vient de prendre possession des lieux. John Simenon, fils de Georges, légende belge de la littérature noire et policière, José-Louis Bocquet, scénariste BD de premier plan (Le Privé d’Hollywood, Les Aventures d’Hergé, Kiki de Montparnasse) et Christian Cailleaux, dessinateur amoureux de la mer, des bateaux et des grandes aventures (R97, d’après un texte de son ami Bernard Giraudeau, Blake & Mortimer) s’installent tout sourire dans le salon. S’ils ont choisi de débarquer en terre vaudoise, où Simenon vécut de 1957 à sa mort en 1989, c’est pour évoquer Le Passager du Polarlys, premier d’une série de huit albums à paraître d’ici 2026 basés sur des romans de Georges Simenon dont on célèbre cette année le 120e anniversaire de la naissance.

«Ça faisait longtemps que je réfléchissais à l’opportunité d’une adaptation en bande dessinée.»
John Simenon

«C’est un heureux hasard que cela coïncide avec l’anniversaire de la naissance de mon père mais ça n’a pas été pensé ainsi», avoue d’entrée John Simenon. Celui qui a longtemps œuvré pour le septième art dans des domaines comme la production et la distribution a repris depuis 1995 la gestion des droits d’auteur de son géniteur. Sans se faire prier, il poursuit: «Mon père a été adapté à l’écran de très nombreuses fois, 70 longs-métrages de cinéma, 600 adaptations à la télévision. Sans parler du théâtre ou de la radio. Ça faisait longtemps que je réfléchissais à l’opportunité d’une adaptation qui se fasse également en bande dessinée. Malheureusement, c’est un milieu que je connaissais assez peu… Le déclic a eu lieu voici trois ans lorsque j’ai découvert De l’autre côté de la frontière, une histoire signée par Jean-Luc Fromental et Philippe Berthet. En apparence, ça n’avait rien à voir avec Simenon, car il s’agit des tribulations américaines d’un écrivain du nom de François Combe qui a choisi de s’installer là-bas avec sa famille. Mais en fait, ça avait tout à voir (sourire): à travers les personnages, leurs apparences, j’ai retrouvé mon père, mon frère, ma mère, ma belle-mère. Toute ma famille, en somme, car nous avons vécu là-bas entre 1945 et 1955. Là, j’ai perçu un lien très clair entre la bande dessinée et mon père!»

Il jette un coup d’œil à ses deux complices et reprend: «Donc, j’ai appelé Jean-Luc Fromental pour lui dire tout le bien que je pensais de son ouvrage. Ce qui ne devait être qu’un échange de quelques minutes a viré en discussion de plus de trois heures. C’est ainsi que le projet a vu le jour. Rapidement, José-Louis, qui est très ami avec Fromental, nous a rejoints. L’idée était que les deux s’occupent à tour de rôle des scénarios des albums à venir avec, à chaque fois, l’appui d’une dessinatrice ou d’un dessinateur différent. Nous nous sommes mis d’accord pour travailler sur les romans «hors Maigret» car ceux mettant en scène le commissaire avaient déjà été adaptés plusieurs fois, dans plusieurs langues.»

Signé en 1932

A son tour, José-Louis Bocquet prend la parole: «Fromental, qui a commencé à élaborer cette idée de collection en compagnie de John, est d’abord parti sur un concept de «romans d’ailleurs» en estimant qu’il fallait montrer de Simenon autre chose que le pavé luisant sous la pluie. Et donc il a pensé au Passager du Polarlys, premier roman signé de son nom par Simenon en 1932. Jusque-là en effet, alors qu’il n’avait pas 30 ans, il avait signé de très nombreux récits sous 17 pseudonymes différents! Je ne connaissais pas Le Passager…, je l’ai lu et, immédiatement, j’ai compris que ça allait faire une bande dessinée géniale. Avec Christian Cailleaux! Ça ne pouvait être que lui. Lui seul était capable de s’emparer visuellement de cette histoire.»

«J’avoue que j’avais une image assez poussiéreuse de Simenon.»
Christian Cailleaux

En dépit de l’humilité chaleureuse qui émane de sa personne, Christian Cailleaux accepte le compliment avant de s’exprimer à son tour: «Je ne connaissais qu’une poignée de Maigret et j’avoue que j’avais une image assez poussiéreuse de Simenon. Le vieux polar à la française… Et là, boum: je tombe sur un écrivain! Son verbe me touche et en plus, il y a du bateau et quand il y a du bateau, il y a du Cailleaux. (Rires) Dès le début, j’ai compris qu’il n’était pas seulement question d’illustrer le texte. Et c’est tant mieux! J’ai donc essayé de placer mon dessin à la hauteur de l’écriture de Simenon, ce qui reste un sacré challenge car on n’a pas chez lui de longues descriptions verbeuses. C’est quelqu’un qui va directement à l’os!»

«L’idéal, ce serait que le lecteur, en refermant le présent album et ceux qui suivront, éprouve, d’abord et avant toute chose, la sensation d’avoir eu entre les mains une BD de Georges Simenon», complète Bocquet avant que John Simenon ne lâche en guise de conclusion: «Mon père, même s’il respectait cet art, n’aurait jamais songé à écrire une bande dessinée. Grâce à vous deux, il vient pourtant d’entrer dans le 9e art par la grande porte.»


Un fascinant «roman dur»

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