Végane et antispéciste, de mère en fils

Sociologie » Voici des années que le mouvement végane a pris son essor en Suisse. On trouve désormais de plus en plus d’adeptes ayant des enfants. Les parents véganes transmettent-ils leurs pratiques et valeurs à leur descendance? Comment vivent-ils leur engagement au quotidien et en famille? Comment la société réagit-elle à cette nouvelle donne? Dans le cadre d’un projet financé par le Fonds national suisse et depuis les Universités de Cambridge et de Kent où elle travaille actuellement, la sociologue Edmée Ballif étudie la question de l’enfant végane en Suisse romande.

On ne parle que rarement de parentalité végane. A quoi cela tient-il?

Le stéréotype du végane, c’est des jeunes urbains avec un haut niveau d’éducation, récemment «convertis». Cette image est partiellement fondée sur une réalité; il y a parmi les militants véganes de nombreuses personnes correspondant à cette description. Elle occulte cependant la complexité de la réalité. Dans ce mouvement, il y a des mères au foyer habitant à la campagne, des véganes de deuxième ou troisième génération héritiers des mouvements de réforme suisses alémaniques, des malades qui cherchent une guérison que la médecine traditionnelle ne peut leur offrir, des écologistes qui veulent réduire leur empreinte, etc. Comme la figure du végane est souvent dominée dans les médias par ce stéréotype, on oublie qu’il y a des parents véganes.

D’autre part, c’est essentiellement à l’occasion d’événements dramatiques qu’apparaît dans les médias la question de la parentalité végane, avec des cas d’enfants souffrant de graves carences. Mais ces faits divers ont surtout été relatés à l’étranger.

La majorité des parents véganes désirent-ils que leurs enfants le soient également?

Dans ma recherche, j’ai rencontré plusieurs cas de figure. Il y avait des gens qui étaient véganes avant de devenir parents. Pour ceux-ci, souvent, l’idée de recommencer à utiliser des produits qui leur font horreur pour les enfants, comme du lait de vache, est souvent inimaginable. Il y a également des parents qui sont devenus véganes alors que leurs enfants étaient déjà relativement grands. Dans ces cas, la transition a souvent été moins rapide, et parfois moins complète, pour les enfants, avec certains d’entre eux qui sont devenus végétariens ou qui ont gardé certains aliments qu’ils aimaient particulièrement ou encore qui ne sont véganes qu’à la maison. Il faut dire qu’il y a un aspect pragmatique dans le fait que les enfants adoptent le régime alimentaire des parents: cela évite de cuisiner plusieurs repas à la fois.

En plus de cette question pratique, quelles sont les motivations des parents?

Comme tous les parents, ils désirent transmettre leurs valeurs à leur descendance. Le respect des animaux est au cœur de la vie de ces personnes et il est hors de question que leurs enfants soient à l’origine d’une souffrance animale.

La transmission de leurs valeurs ne s’arrête pas au contenu de leurs assiettes. Certains parents refusent que leurs enfants se rendent dans une ferme, d’autres choisissent consciemment des livres pour enfants qui ne montrent pas de scènes de ce qu’ils appellent l’exploitation animale. Avant un anniversaire, ils rappellent parfois à leur enfant que le gâteau sera fait d’œufs et de lait, et que la production de ceux-ci a eu un impact négatif sur des animaux. Une personne a choisi de montrer des vidéos d’abattoir à ses enfants, considérant qu’ils devaient connaître la vérité.