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Drôles de bêtes

La genette, nouvelle venue en Suisse

Discrétion légendaire et apparence unique, entre chat et lémurien. Portrait de la genette commune.


Elsa Rohrbasser

Elsa Rohrbasser

9 juillet 2023 à 21:22

Drôles de bêtes (1/6) » Cette semaine, La Liberté s’associe à la Revue Salamandre pour vous emmener à la rencontre de six animaux vraiment insolites qui vivent tout près de chez vous.

Ce n’est pas tous les jours qu’un nouveau mammifère est répertorié en Suisse. Alors, quand en juin 2019 un piège photo attaché à un arbre a immortalisé le passage d’une genette commune, les scientifiques à l’origine de l’installation ont poussé un cri de surprise, mêlé à de la joie. C’est dans la forêt de Bois de Châtillon, sur la commune de Bernex, dans le sud du canton de Genève, que l’animal a été surpris. A deux reprises, à six jours d’intervalle et toujours de nuit, la caméra a enregistré le passage d’une genette.

Impossible de se tromper sur son identité en visionnant les images. Ce carnivore discret a une apparence singulière. Sa robe tachetée et sa longue queue panachée lui donnent un air de lémurien. De la taille d’un gros chat, il a un faciès qui ressemble quelque peu au petit félin.
Son signalement en Suisse a en tout cas mis les chercheurs sur le qui-vive. «Quand on a appris cette observation, on a tout de suite quadrillé le secteur en posant une vingtaine de pièges photo additionnels pendant au moins deux semaines. Mais cela n’a pas permis d’avoir de nouvelles images», raconte Gottlieb Dandliker, inspecteur cantonal de la faune.

Domestiquée

Son arrivée en Suisse est la dernière étape d’un long chemin. Indigène du continent africain, sur lequel elle est très largement répandue, la genette est arrivée sur le Vieux-Continent à une date indéterminée, mais très probablement pendant l’Antiquité. «La genette est le premier animal qui a été domestiqué dans toute une série de peuplades. C’est une espèce exotique qui a sans doute été importée en Europe par les humains», estime Gottlieb Dandliker.

Les Romains en avaient fait un animal domestique qui avait une précieuse utilité: chasser les rongeurs qui s’attaquaient aux récoltes. Mais ce succès fut de courte durée. La forte odeur de musc dégagée par ce membre de la famille des viverridés – comme la civette – pour marquer son territoire a amené nos ancêtres à lui préférer le chat comme compagnon.

«La genette est le premier animal qui a été domestiqué dans toute une série de peuplades»
Gottlieb Dandliker

Largement répandue en Espagne, la genette est longtemps restée cantonnée au pourtour méditerranéen en France. Mais depuis quelques décennies, l’animal colonise des territoires plus septentrionaux. Elle a traversé le Rhône et la Loire. En 2012, quelques observations avaient d’ailleurs déjà été faites en bordure du bassin genevois sur la montagne française de Vuache.

Ces individus s’inscrivent dans un mouvement de colonisation vers le nord-est qui a été clairement documenté par l’Office français de la biodiversité. «Les genettes ont traversé le Rhône, elles sont en Haute-Savoie. Comme dans toute colonisation plus ou moins lente, des individus vont plus loin et prospectent», détaille Gottlieb Dandliker.

Un signalement au Tessin

Au Tessin, une observation a également été signalée. L’animal a en effet contourné les Alpes pour s’installer sur la côte italienne, en Ligurie. Et sa présence est maintenant suspectée dans le Piémont. L’individu aperçu dans le sud de la Suisse a été considéré comme un animal qui se serait échappé de captivité. «Les premiers colons ne sont pas forcément très bien répertoriés», juge Gottlieb Dandliker.
Amatrice de forêts denses, arboricole et nocturne, la genette a tout pour passer les frontières avec une cape d’invisibilité sur le dos. Elle ne s’aventure au sol que la nuit pour chasser et marquer son domaine.

Pour les spécialistes, elle laisse d’ailleurs une trace très caractéristique. Territoriale, elle dépose en effet ses fèces bien en évidence sur des promontoires souvent rocheux, les crottiers. Pourvue de larges glandes sébacées sur le cou, les joues, les flancs et les pattes avant, elle se frotte aussi sur les pierres et les troncs pour laisser une trace odorante de son passage. Nez sensible, s’abstenir! 

Trois questions à Manuel Ruedi,

Conservateur mammalogie au Muséum d’histoire naturelle de Genève

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