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Drôles de bêtes

Le bec-croisé des sapins, cet étrange perroquet des montagnes

Avec ses plumes aux couleurs exotiques, cet étonnant bec-croisé des sapins vit dans les forêts suisses

Un bec-croisé sur une branche d’épicéa.

13 juillet 2023 à 18:00

Temps de lecture : 1 min

Drôles de bêtes (5/6) » Cette semaine, La Liberté s’associe à la Revue Salamandre pour vous emmener à la rencontre de six animaux vraiment insolites qui vivent tout près de chez vous.

Une mélodie continue de «tiup tiup» qui s’élève des mélèzes, épicéas ou sapins qui bordent le chemin de randonnée? C’est sûrement un bec-croisé des sapins, l’un des oiseaux les plus colorés et surprenants des massifs suisses. Attention, les membres de cette espèce «intègrent parfois des imitations d’autres espèces dans leur chant, qui peut donc varier d’une région à l’autre», s’amuse Lionel Maumary, président du Cercle ornithologique de Lausanne.

Ils intègrent parfois des imitations d’autres espèces dans leur chant

Le plus sûr pour reconnaître ce passereau, ce sont ses couleurs chatoyantes. Le mâle affiche un plumage rouge brique, quand la teinte de la femelle tire sur le jaune-vert. Des tons qui différencient au premier coup d’œil Loxia curvirostra, de son nom latin, des autres oiseaux qui vivent dans la canopée alpine. Un randonneur non averti pourrait d’ailleurs prendre le bec-croisé pour un petit perroquet qui aurait ouvert la porte de sa volière pour s’enfuir respirer l’air pur des montagnes.

Un bec unique

Mais ce qui rend notre passereau vraiment unique, ce sont ses deux mandibules qui se croisent pour faciliter l’extraction des graines. Il insère son bec fermé entre les écailles d’un cône, puis l’ouvre par effet de levier pour attraper son repas avec sa langue. Un effort considérable, qui lui assure cependant sa pitance. Cela fait de lui, avec les écureuils et les pics, un des rares animaux capables de se délecter de graines de résineux lorsque les cônes sont encore fermés.

En Suisse, contrairement à ce que son nom indique, il ne privilégie pas les sapins pour se nourrir. «Le bec-croisé des sapins est surtout dépendant chez nous de la fructification des épicéas, qui est sa première ressource de nourriture. Mais il exploite aussi volontiers les mélèzes et les pins», explique Lionel Maumary.

«Le bec-croisé des sapins est surtout dépendant chez nous de la fructification des épicéas»
Lionel Maumary

Dès lors, il dépend de la fructification de ces arbres et se déplace suivant les disponibilités alimentaires. Il peut se reproduire toute l’année, si l’offre en nourriture est bonne. En fait, dès que le temps est sec et ensoleillé, indépendamment de la température, et même sous la neige, les cônes s’ouvrent et le bec-croisé des sapins peut commencer à nicher. Si le temps redevient humide, il interrompt sa nidification, protège son nid et attend de meilleures conditions.

Au sud du continent européen, on observe une spécialisation de l’oiseau sur d’autres conifères. Une légende affirme même que les cris des becs-croisés varient selon l’espèce de leur arbre nourricier favori. Un bec-croisé nord-africain, qui apprécie le pin d’Alep, aurait ainsi un accent différent de celui de ses congénères suisses.

C’est faux, selon Lionel Maumary. «Je n’ai jamais entendu ça et je n’y crois pas. Les becs-croisés sont opportunistes et se nourrissent des cônes en train de fructifier indifféremment des essences qui les portent. Mais c’est déjà difficile de distinguer les cris du bec-croisé des sapins de ceux des becs-croisés perroquets et bifasciés, alors je doute fort que l’on puisse distinguer les cris de différentes populations de becs-croisés des sapins, qui sont de toute façon très variables», poursuit le coauteur du livre référence Les oiseaux de Suisse (Vogelwarte, 2007).

En dressant ce portrait de Loxia curvirostra, on se demande quel qualificatif lui attribuerait le capitaine Haddock. Dans ses aventures avec Tintin, le colérique marin s’en prend à plusieurs reprises à des perroquets qui le font tourner en bourrique. Alors imaginez qu’il tombe nez à nez avec un bec-croisé dans les Alpes, là où il s’imaginait enfin tranquille!

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