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Histoire vivante

La seconde vie de chercheur-mécène de Gustave Eiffel

Le «magicien du fer» était aussi un pionnier de la météorologie, de l’aérodynamisme et de la TSF.

Première émission de TSF entre Ernest Roger sur la tour Eiffel et Eugène Ducretet au Panthéon, le 29 juillet 1898. © DR

30 novembre 2023 à 17:50

Centenaire » Après avoir élevé sa «dame de fer» au rang de symbole de la grandeur de la France lors de l’Exposition universelle de 1889 à Paris, Gustave Eiffel, qui avait alors 57 ans, aurait pu se reposer sur ses lauriers. Le célèbre ingénieur et entrepreneur s’était en effet déjà largement distingué en signant plus de 300 ouvrages remarquables dans une trentaine de pays, dont l’emblématique viaduc de Garabit dans le Cantal, long de 565 mètres et haut de 122 mètres, le pont Maria Pia sur le Douro à Porto, la gare de l’Ouest à Budapest, la charpente métallique de la statue de la Liberté à New York ou l’observatoire de Nice. Surnommé le «magicien du fer», il aurait pu profiter d’une fortune considérable, collectionner les titres honorifiques et se reposer dans ses nombreuses propriétés à Paris, Sèvres, sur la Côte d’Azur, en Bretagne ou à Vevey (lire ci-dessous).

«On ne me pardonne pas d’avoir réussi»
Gustave Eiffel

C’était compter sans le scandale du canal de Panama, un projet gigantesque lancé en 1879 par le président de la Société de géographie Ferdinand de Lesseps. Embourbé dans des problèmes géologiques, météorologiques et sanitaires, avec une fièvre jaune qui tuait jusqu’à 40 ouvriers par jour, le chantier fait faillite en février 1889, provoquant la ruine de milliers de petits épargnants. Gustave Eiffel, largement rétribué pour dix écluses qu’il n’a pas construites, en devient le bouc émissaire. «C’était le plus gros contrat, sans doute, signé par un entrepreneur français au XIXe siècle: 125 millions de francs. Quinze fois le prix de la tour», raconte l’historien Louis Devance dans une minutieuse biographie1. Sur les 73 millions déjà encaissés, l’ingénieur reconnaît un bénéfice de 17 millions devant les juges, tandis qu’un expert estime son profit à 33 millions.

«Des collègues jaloux!»

Prévenu pour complicité d’escroquerie, Eiffel est condamné à deux ans d’emprisonnement pour abus de biens sociaux en 1893. Il échappe toutefois à la prison, la Cour de cassation estimant qu’il y avait prescription. Mais le mal est fait: son image en ressort sévèrement ternie. «Je suis victime d’une conjuration de collègues jaloux! (…) On ne me pardonne pas d’avoir réussi», confie-t-il au quotidien financier La France. La chute est d’autant plus douloureuse que, depuis l’énorme succès populaire de sa tour de 300 mètres, l’ingénieur caressait des projets encore plus ambitieux: un métro pour le centre de Paris, un tube ferroviaire sous la Manche, un observatoire sur le Mont-Blanc…

Mais tant de suspicions et d’outrages l’ont meurtri. Dépité, il décide d’abandonner la direction de la Compagnie des Etablissements Eiffel. Il entame alors une nouvelle vie consacrée à la science, moins connue, mais tout aussi admirable. Cette carrière de chercheur-mécène, qu’il mènera durant trente ans, va contribuer à redorer son blason mais aussi et surtout à pérenniser la tour Eiffel, normalement condamnée à la démolition en 1909.

Réseau météo

Gustave Eiffel commence par s’intéresser à la météorologie. Avec le directeur du Bureau central de météorologie, Eleuthère Mascart, il met en place une petite station au sommet de sa tour fétiche. L’ingénieur apprend vite, fait breveter un anémomètre et un héliographe de son invention, mais reste insatisfait de cette branche qui ne produisait à l’époque pratiquement que des «moyennes climatologiques». Ce qu’il veut, c’est «connaître le temps qu’il fera». Il révolutionne alors la branche en mettant en place un réseau de 25 stations météo à travers la France jusqu’en 1910, les installant entre autres dans ses nombreuses propriétés. «Il était persuadé que l’établissement de prévisions fiables pourrait rendre de grands services, en particulier dans le domaine de l’agriculture, ainsi que pour la circulation maritime et aérienne», commente son descendant direct Philippe Coupérie-Eiffel dans un livre riche en documents d’archives inédits2. Le temps lui donnera amplement raison.

As de l’aérodynamique

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