Prince of Persia. Les 1001 vies d’une icône

Pop culture » Il lui aura suffi d’un bond, d’un saut dans le vide vidéoludique de la fin des années 1980, pour devenir une icône immortelle. Le jeu Prince of Persia, best-seller de l’Apple II en 1989, puis de la Super Nintendo dans les années 1990 et enfin de la Playstation 2 dans les années 2000 avec son épisode le plus révéré Prince of Persia: The Sands of Time est devenu un incontournable marqueur de la pop culture, adapté au cinéma, en bande dessinée et même dans une ligne de jouets Lego. Ce virevoltant Prince, toujours à deux doigts de tomber dans un précipice – garni, comme il se doit, de pieux acérés – et maniant le cimeterre comme nul autre, a traversé les époques et les modes. Inspiré des Contes des 1001 nuits, le fameux Prince ne compte plus ses rejetons, de Tomb Raider à Assassin’s Creed.

Alors qu’un nouvel opus doit sortir cette année sur les consoles nouvelles génération (PS5 et XBox Series), ce personnage aux multiples facettes est le héros d’un ouvrage du journaliste et historien français Raphaël Lucas, qui a déjà trempé sa plume dans le sang de la saga transylvanienne Castlevania ou dans les potions magiques de Final Fantasy. Il signe avec Les histoires de Prince of Persia (aux éditions Third) un passionnant voyage aux sources d’un mythe moderne, en compagnie de ceux qui l’ont créé ou réinventé.

Comme Indy Déjà auteur d’un jeu remarqué nommé Karateka (1984), l’Américain Jordan Mechner – dessinateur, auteur, metteur en scène de théâtre et concepteur de jeux vidéo – a l’intuition de mélanger l’univers des Contes des 1001 nuits et celui des Aventuriers de l’arche perdue, premier volet cinématographique des aventures d’Indiana Jones. «A l’époque je suivais des cours de cinéma à l’Université. J’ai donc logiquement voulu traduire ce vocabulaire cinématographique dans mes jeux. Je voulais répliquer l’ambiance des 15 premières minutes d’Indiana Jones avec ce rocher qui poursuit le héros et ces piques qui sortent des murs». Le concept de Prince of Persia était né.

Objectif réalisme L’ambition première de Prince of Persia est de traduire une physique réaliste sur l’écran. Jordan Mechner utilise la technique de la rotoscopie pour animer son héros. Il utilise son frère comme modèle et le filme dans diverses positions, lui demandant par exemple de sauter, de faire une roulade, etc. Les vidéos de ces sessions préparatoires sont même disponibles sur YouTube. Le résultat est révolutionnaire: l’animation atteint des sommets de fluidité et la mécanique des mouvements dégage une impression de réalisme bluffante.

La consécration Après des dizaines de portages et quelques suites, Prince of Persia fait complètement peau neuve en 2003 avec son épisode le plus célébré The Sands of Time. Jeu d’action mais aussi de réflexion, cet épisode est même considéré comme l’un des jeux vidéo les plus aboutis de tous les temps. Jordan Mechner est toujours de la partie, notamment pour l’écriture, mais c’est le studio franco-canadien Ubisoft qui déploie tout son savoir-faire. Qu’il s’agisse de son gameplay ou de son storytelling, le jeu fait l’unanimité. Quatorze millions de copies sont vendues dans le monde.

Au cinéma Toujours à l’affût du bon filon, le producteur hollywoodien Jerry Bruckheimer (Le Flic de Beverly Hills, Pirates des Caraïbes) ne tarde pas à s’intéresser de très près à ce prince oriental. C’est Jake Gyllenhaal qui est choisi pour donner vie au Prince Dastan sur le grand écran. Malgré des critiques mitigées, le film rapporte, en 2010, 336 millions de dollars dans les salles. Le film engendrera également un comic écrit par Jordan Mechner et dessiné par Todd McFarlane (l’auteur de Spawn) poursuivant l’histoire. La marque danoise de jouets de construction Lego s’y met également, produisant durant une courte période six sets de jeu estampillés Prince of Persia.

L’héritage Prescripteur de tendances, Prince of Persia a donné l’impulsion à de nombreux jeux vidéo et films. Les plus célèbres étant le diptyque Another World et Flashback, puis la saga Tomb Raider ou encore son fils spirituel Assassin’s Creed. Les mécaniques développées par l’épisode The Sands of Time ont en outre révolutionné la manière de mettre en scène les combats dans les jeux d’action. On en trouve d’éclatantes illustrations dans la série Batman: Arkham ou dans Marvel’s Spider-Man. Alors qu’elle s’apprête à revenir sur le devant de la scène en 2022, la franchise n’a pour autre mission que de se réinventer. Encore.