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«Grisélidis Réal, une leçon vivante de liberté»

La Genevoise, prostituée militante et écrivaine transgressive, est enfin réhabilitée en poésie sous le regard admiratif de Nancy Huston. Interview.


Camille Besse

Camille Besse

25 février 2022 à 10:51

Temps de lecture : 1 min

C’est une rage fardée, une inextinguible colère souriante. Grisélidis Réal (1929-2005) fut cette courtisane écorchée, échappée de la pesanteur bourgeoise et atterrie sur le pavé dont elle fera métier, subi puis revendiqué. «Et je fais la putain pour nourrir mes enfants», écrira la Genevoise dans l’un de ses nombreux poèmes dont on redécouvre aujourd’hui la haute incandescence littéraire.

ECRIVAIN - PEINTRE - PROSTITUÉE est-il inscrit sur sa pierre tombale du cimetière des Rois, où elle repose entre Borgès et Calvin. «A cette liste déjà peu banale, il était temps, plus que temps, d’ajouter la mention de son quatrième métier, celui qui la définit peut-être le mieux: Poète», défend Nancy Huston dans la préface d’un recueil qui, pour la première fois, réunit les poésies complètes de cette femme de plume, de transgressions et de libertés. Un ouvrage que l’écrivaine franco-canadienne accompagne d’une très personnelle et admirative Lettre à Grisélidis Réal, «reine du réel» aux désespérances lucides. Interview.

Vous écrivez avoir «longtemps détesté» Grisélidis Réal. Qu’incarnait-elle à vos yeux de jeune militante féministe?

Nancy Huston: J’ai entendu parler d’elle pour la première fois en 1975 lorsque, jeune étudiante à Paris, je me suis intéressée à la Révolution des prostituées dont Grisélidis était la porte-parole la plus percutante. Les féministes que nous étions trouvaient important de réfléchir à ces questions qui ont ensuite été longtemps délaissées. J’admirais sa gouaille. Mais en lisant son roman Le noir est une couleur, j’ai été dérangée par sa façon de parler des Noirs, par ses provocations parfois immatures. Surtout, j’ai été très agacée par cette complaisance vis-à-vis de la violence des hommes, qui me semblait difficilement acceptable.

Comment votre regard sur son œuvre a-t-il évolué?

En 2013, j’ai vu à Genève le spectacle Grisélidis de Coraly Zahonero, et suis devenue amie avec cette comédienne qui m’a fait entrer plus profondément dans l’œuvre. Lorsqu’une éditrice m’a proposé d’écrire une lettre pour la collection Les Affranchis, j’ai tout de suite pensé à Grisélidis, non dans l’idée d’en faire l’éloge ou la critique, plutôt d’interroger l’ambivalence de cette figure, l’écheveau de contradictions qui la constitue. Aussi, je n’ai pas tenté de m’en faire la biographe, mais bien de lui adresser un texte très personnel, qui a été pour moi une occasion de grandir.


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