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Écrans

«Saint Omer», le procès d’une mère infanticide

Alice Diop raconte le procès troublant d’une mère infanticide dans le nord de la France

Guslagie Malanda impressionne dans le rôle de Laurence Coly, mère infanticide.

6 décembre 2022 à 11:44

Saint Omer » C’était le 20 novembre 2013, un bébé de 15 mois est retrouvé mort sur une plage du nord de la France, à Berck-sur-Mer. Sa mère, Fabienne Kabou, est rapidement interpellée et incarcérée. Qu’est-ce qui a poussé cette mère à abandonner son enfant à la marée montante? Sorcellerie, phénomènes hallucinatoires, maraboutage… Des pistes troublantes sont évoquées lors de son procès.

Réalisatrice rompue à l’exercice documentaire, Alice Diop (La Mort de Danton) signe avec Saint Omer sa première œuvre de fiction. Son long-métrage raconte l’histoire de Rama, interprétée par la comédienne genevoise Kayije Kagame, une jeune romancière qui va assister au procès de cette mère infanticide à la Cour d’assises de Saint-Omer, rebaptisée ici Laurence Coly. A mesure que l’accusée déballe sa vie aux juges, les certitudes de Rama s’estompent et celles du spectateur également.

Le piège de l’empathie

Lion d’argent à La Mostra de Venise et désigné il y a peu pour représenter la France aux Oscars 2023, le film d’Alice Diop débarque sur les écrans accompagné d’une aura que l’on peut difficilement ignorer. Ce qui n’en fait pas un objet cinématographique forcément calibré pour ratisser large. En effet, le traitement de cette affaire est ici plutôt radical. La réalisatrice choisit de ne pas trop s’éloigner de ses racines documentaires, notamment en utilisant une structure chronologique indéfectible qui enferme les personnages – et les spectateurs – dans une salle de tribunal où chaque mot prononcé pèse une tonne.

Le film déploie une atmosphère à la lisière du fantastique

Les comédiens, surtout Guslagie Malanda, qui incarne Laurence Coly, impressionnent par leur capacité à créer des séquences à l’intensité presque palpable. Avec des mots précis et très peu d’artifices de mise en scène, ils donnent vie à des personnages crédibles et nuancés. Des émotions fortes qui tranchent avec le déroulement clinique un peu sage de ce procès légèrement dramatisé.

Mais si la forme naturaliste de Saint Omer peut paraître parfois aride, le film parvient toutefois à déployer une atmosphère à la lisière du fantastique. Pris au piège de son empathie, le spectateur ne peut s’empêcher de questionner son propre rapport à l’enfance, à la maternité. Une profondeur thématique particulièrement bien gérée, notamment par le refus de la cinéaste de prendre des raccourcis. Pour elle, la vraie justice n’est ni blanche ni noire, elle est complexe et peut-être même nébuleuse. Son film le démontre admirablement.

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