Cinéma. Portrait d’une bien sinistre espèce

Sous son titre original Krähen – Die Natur beobachtet uns (Corbeaux – La Nature nous observe) et tout au long de son déroulé, le nouveau film documentaire du réalisateur bernois Martin Schilt (coréalisateur de Die Wiesenberger) laisse apparaître l’idée qu’humains, corbeaux et corneilles ont, depuis l’âge de pierre, toujours été beaucoup plus intimement liés qu’on ne pourrait le penser. Comme si cette espèce d’oiseaux, si communs qu’ils auraient presque tendance à passer inaperçus, évoluerait dans l’ombre et en parallèle de la nôtre, tout en se servant et en apprenant de nos habitudes. Et pas forcément des plus nobles. Ils s’alimentent de nos restes, de nos déchets comme des cadavres de nos champs de bataille (malheureusement tous deux toujours plus nombreux), vivent et évoluent presque comme s’ils se nourrissaient de notre part la plus sombre. C’est en tout cas l’une des hypothèses soulevées par l’auteur et corroborées par certains intervenants. De Vienne à Mumbaï en passant par Tokyo, le Canada et la jungle de Nouvelle-Calédonie, émaillé de captivants avis d’experts et de passionnés, le long-métrage est non seulement très instructif mais également d’une beauté remarquable. Souvent très anxiogènes, les décors, plans et illustrations ont été choisis avec goût et pertinence, et les quelques magnifiques séquences d’animation qui ouvrent et scandent le film (réalisées par l’animateur zurichois Patrick Graf) sont la petite cerise sur le gâteau d’une œuvre décidément extrêmement aboutie.