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Écrans

«Pacifiction», un thriller parano à Tahiti

Le mystère s’épaissit autour du sublime Benoît Magimel dans Pacifiction d’Albert Serra

Benoît Magimel (deuxième depuis la gauche).

27 décembre 2022 à 13:44

Pacifiction » Sur l’île de Tahiti, en Polynésie française, le haut-commissaire de la République De Roller tente d’éteindre un à un les incendies qui embrasent ce petit coin de paradis faussement indolent. De l’ouverture d’un casino qui déchaîne les passions à la menace diffuse de la reprise des essais nucléaires français, cet homme affable et paternaliste, toujours en costume blanc impeccable, navigue à vue entre les intérêts divergents des populations locales, des militaires, des surfeurs, des congrégations religieuses ou des promoteurs immobiliers.

Lancé dans une enquête labyrinthique au fil des conspirations qui animent l’île, De Roller semble surfer nonchalamment sur une réalité complexe qui ne peut de toute manière pas être pleinement saisie. A mesure que le mystère s’épaissit, notre protagoniste abandonne l’idée de comprendre ou même de gérer ces enjeux géostratégiques et s’abandonne à la torpeur tropicale. A la dérive, il emmène le spectateur avec lui dans un temps suspendu, à la fois inquiétant et contemplatif, scrutant un océan menaçant duquel pourrait sortir à chaque instant le périscope d’un sous-marin nucléaire.

Prendre des risques

Pacifiction – sous-titré Tourment sur les îles – est un film résolument atypique. Inclassable même. On ne peut le résumer à un simple thriller politique ou à un récit d’espionnage, même en y ajoutant l’adjectif paranoïaque, voire celui de kafkaïen. Le réalisateur catalan Albert Serra (La mort de Louis XIV, Histoire de la mort) met en scène une administration française dépassée et qui se perd en bavardages à l’image de son héraut improbable. Incarné par un Benoît Magimel habité, le haut-commissaire De Roller est un personnage de cinéma fascinant. L’interprétation du comédien laisse pantois. Malin mais aussi sournois et manipulateur, Magimel semble mû par une force magnétique que l’on ne se lasse de contempler.

L’interprétation de Benoît Magimel laisse pantois

Magnifiquement filmé, entre ciels roses et flots émeraude, Pacifiction s’appuie sur une longueur volontairement déraisonnable de 2 h 45. La lenteur du récit nous donne ici l’occasion de nous laisser porter par l’atmosphère moite des îles du Pacifique. Un décor somptueux où la magnificence de la nature est entre les mains d’hommes fous jouant avec l’atome. Véritable expérience cinématographique, ce film envoûte autant qu’il déconcerte. Sublime, Benoît Magimel trouve ici un rôle rare qui lui permet de briller comme jamais auparavant. Du cinéma qui prend des risques, c’est rare!

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