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Écrans

Le Zahler de la peur

Le cinéaste S. Craig Zahler dynamite le polar à la manière d’un western urbain

Flic véreux, Brett Ridgeman (Mel Gibson) va voir le système se retourner contre lui.

15 décembre 2020 à 13:34

Cinéma » Envie d’un polar qui a du chien? Avec un titre pareil, Traîné sur le bitume fait une promesse. Et dès les premières minutes on sent que ce thriller racé, à la fois familier et iconoclaste, va les tenir d’une main de fer. Mettant en scène l’inusable Mel Gibson ainsi qu’un Vince Vaughn à contre-emploi, le film nous fait goûter l’asphalte râpeux de la ville de Bulwark, creuset délétère d’une Amérique contemporaine gangrenée par le crime. Un western urbain et désespéré qui embarque en opération de filature avec deux flics sur une pente très glissante. A découvrir en vidéo à la demande sur la plupart des plateformes.

Bulwark, donc, une ville imaginaire dont le nom se traduit littéralement par «rempart». Et c’est peu dire que les protagonistes de ce film noir sont enfermés dans cette citadelle imprenable dont personne ne peut s’échapper. Il y a d’abord le vieux briscard Brett Ridgeman (Mel Gibson), flic véreux à moustache toujours sur un mauvais coup. Et puis son acolyte, plus jeune, Anthony Lurasetti (Vince Vaughn) qui ne vaut guère mieux que son aîné. Après une arrestation, une vidéo révélant leurs méthodes dégueulasses fait le tour des télés locales. Les deux hommes sont suspendus durant plusieurs mois sans solde. Pour s’en sortir, ils vont se résoudre à foncer tête baissée dans la criminalité en tentant de dérober le magot d’un truand… Ils ne savent pas dans quel pétrin ils plongent leurs mains sales.

Des éruptions de violence

Derrière ce film fort et radical il y a l’une des révélations cinématographiques de ces dernières années. Le réalisateur S. Craig Zahler s’est en effet forgé une solide réputation avec trois films coup de poing: Bone Tomahawk en 2015, western horrifique du plus bel effet, puis Section 99 en 2017, un thriller carcéral percutant et enfin avec ce bien nommé Traîné sur le bitume. Les ingrédients sont toujours les mêmes: un amour inconditionnel du cinéma de genre, un rythme souple qui développe la psychologie des personnages et des éruptions soudaines de violence ou d’action qui clouent le spectateur sur son fauteuil. Trois films, c’est peu, mais Zahler n’est pas un bleu pour autant. L’homme est un touche-à-tout qui a en outre publié sept romans, signé une poignée de scénarios et officie sous le nom de Czar dans un groupe de doom metal.

Nuance et épaisseur

Mais revenons sur le pavé. Comme à son habitude, Zahler joue avec les attentes. Les films de flics ripoux, le public les connaît bien. Le cinéaste va donc se délecter à enrayer cette machine un peu trop bien huilée à son goût. Si le style peut rappeler les grandes heures du polar grinçant des années 1970 (Sydney Lumet, Paul Schrader, William Friedkin), Zahler apporte une touche de modernité. Chez lui, l’irrationalité apparente de certaines situations souligne l’absurdité de l’existence. Un marais presque métaphysique dans lequel se noie son casting impeccable: Gibson et Vaughn, parfaits, mais aussi des seconds couteaux bien sentis tels que Don Johnson, Jennifer Carpenter et l’increvable Udo Kier.

Avec son tempo pesant, Traîné sur le bitume décevra les adeptes d’une action fast-food et frénétique mais ravira tous ceux qui apprécient la nuance et l’épaisseur dramatique. Les explosions de sang et de fureur n’en seront que plus déroutantes et impressionnantes. Aucun doute, on entendra parler de S. Craig Zahler à l’avenir.

TRAÎNÉ SUR LE BITUME

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