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«There Is No Evil». le cinéma contre la censure

Ours d’or à Berlin, le film iranien There Is No Evil regarde la peine de mort en face

Quatre histoires de l’iran d’aujourd’hui… Un fil rouge: la peine de mort.

4 mai 2021 à 15:37

There Is No Evil » Impossible d’aborder l’Ours d’or de la Berlinale 2020, There Is No Evil – exploité en France sous le nom Le Diable n’existe pas –, sans rappeler le destin de son auteur. Le réalisateur iranien Mohammad Rasoulof, actif depuis le début des années 2000, a en effet lâché une bombe au Festival de Cannes 2017 avec son film Un homme intègre, qui remporte le Prix Un certain regard. Dans ce long-métrage implacable et poignant, un homme tente de résister à la corruption institutionnalisée en Iran. Ce film vaut à Rasoulof – qui a déjà eu maille à partir avec le régime des mollahs – d’être interrogé dans son pays, et le gouvernement lui confisque son passeport. Les autorités, qui l’accusent «d’activités contre la sécurité nationale et de propagande contre le régime», le condamnent finalement en juillet 2019 à un an de prison.

Ce nouveau film, victime du Covid-19 et trouvant enfin le chemin des salles de cinéma helvétiques fraîchement rouvertes, est de la même teneur que son prédécesseur. L’ambitieux projet s’étale sur plus de 2 h 30 et s’articule en quatre histoires. Rasoulof y scrute la démocratie autoritaire de son pays. Bien que sous le coup d’une interdiction de filmer, le cinéaste s’attaque cette fois-ci à la peine de mort et surtout aux quidams qui doivent servir de bourreaux dans le régime despotique iranien.

Un pied de nez

Ainsi Heshmat est un époux et un père exemplaire bien que personne ne sache réellement où il se rend chaque matin. Le spectateur découvre cet homme à la mine grave dans un parking lugubre, en train de charger dans son coffre ce qui ressemble à un cadavre emmailloté. Pouya, lui, est au service militaire. Un soir, le jeune homme est confronté à un dilemme déchirant. Quant à Javad, il pensait naïvement se fiancer mais le décès d’un ami vient briser son rêve. Enfin, Braham est un médecin à qui l’on interdit d’exercer son métier. Il décide de raconter à sa nièce le lourd secret qui le ronge.

Un film dont la beauté est à elle seule en quelque sorte un pied de nez au régime.

Même si son gouvernement lui met des bâtons dans les roues, Mohammad Rasoulof refuse de céder à la facilité. Son film est à ce titre plastiquement très réussi (format widescreen, cadrages précis, photographie soignée), même si l’on devine que certaines scènes d’extérieurs ont dû être captées à la sauvette. Un film dont la beauté est à elle seule en quelque sorte un pied de nez au régime.

Des éclats de violence

Au cœur du récit, cette question: Le peuple doit-il obéir à des lois injustes? Pour rappel, en Iran, des citoyens son obligés d’exécuter des condamnés à mort sous peine de se faire retirer leurs papiers d’identité. Certains plient et obéissent alors que d’autres s’enfuient. Bâti comme une tragédie, There Is No Evil – littéralement «le mal n’existe pas» – distille une menace sourde qui rôde à chaque plan. Une tension qui explose dans des éclats de violence. Le film réserve son lot de scènes choquantes, perturbantes même. Mais il n’est pas non plus exempt de longueurs. Le spectateur a parfois un bon train d’avance sur les personnages et voit arriver de loin un scénario efficace dans sa capacité démonstrative mais un peu prévisible.

Des petits défauts qui n’affaiblissent pas ce film puissant et sensible. Du cinéma politique et engagé tourné au nez et à la barbe des censeurs à qui Mohammad Rasoulof a fait croire qu’il réalisait quatre courts-métrages… Au-delà de son ancrage iranien, There Is No Evil porte un message universel qui souligne la beauté de la vie et l’importance de la liberté d’expression.

There Is No Evil

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