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Écrans

Lausanne. le Capitole rouvrira en février après d’importants travaux

A Lausanne, le mythique Capitole datant de 1928 deviendra dès février une véritable maison du cinéma, gérée par la Cinémathèque suisse

En grand, la salle du Capitole avant le début des travaux puis les différentes phases d’un impressionnant chantier, et en bas, la nouvelle petite salle de 140 places. © Nicolas Prahin

22 septembre 2023 à 20:00

Patrimoine » Il s’agit tout simplement de la plus grande salle de cinéma de Suisse. Quand il rouvrira ses portes à la fin du mois de février prochain, l’emblématique Capitole, à Lausanne, juste en dessous de la place Saint-François, pourra accueillir 750 spectateurs dans sa grande salle – il comptait même 1077 sièges lors de sa construction en 1928! En chantier depuis le printemps 2021, ce joyau du patrimoine suisse – rare témoin encore en fonction de l’âge d’or du cinéma – sera exploité par la Cinémathèque suisse (CS) qui y proposera l’intégralité de son activité publique.

29.12.1928

Inauguration du Capitole.

1946

Conférence de Jean-Paul Sartre, qui fait salle comble.

1949

Lucienne Schnegg devient la gérante du cinéma.

1951

L’entrée du cinéma est élargie.

1959

Le célèbre néon Capitole est installé sur la façade ainsi que des lustres de Murano, de nouveaux sièges, un nouveau projecteur et un écran panoramique dernier cri.

1983

E.T. de Spielberg est le plus grand succès du Capitole avec 14 semaines d’exploitation et plus de 84 000 spectateurs.

1996

Lucienne Schnegg devient officiellement propriétaire des lieux.

2010

La ville de Lausanne rachète le Capitole à Lucienne Schnegg. La gestion en est confiée à la Cinémathèque suisse. Les grands noms du cinéma vont commencer à se succéder dans la salle, d’Amos Gitaï à Wim Wenders.

2021

Début des travaux, encore en cours.

Fini donc les projections de la CS dans le casino de Montbenon – mais le cinéma ne quittera pas totalement les lieux, puisqu’un ciné-club s’installera dans la salle du Cinématographe. «Lausanne gagnera même une salle de cinéma», a apprécié mercredi Grégoire Junod, le syndic de Lausanne, au moment de présenter l’avancée des travaux à la presse.

Car si la salle Paderewski, à Montbenon, sera rendue aux concerts, une nouvelle «petite» salle (140 places) vient d’être excavée sous la grande salle du Capitole. «Bien évidemment, cela nous permettra d’augmenter le nombre de projections et de multiplier la typologie des événements que nous proposerons», s’est réjoui Frédéric Maire, directeur de la CS. Avec dans la grande salle un projecteur 70 mm, le seul de Suisse, et un de 35 mm, en plus du numérique, et des projecteurs 35 et 16 mm dans la petite, la cinémathèque pourra diffuser tous les formats dans des conditions optimales.

Si l’on ajoute la création d’une librairie spécialisée dans le 7e art, d’un café (en plus du célèbre bar du parterre) et d’une médiathèque accessible pour le public – la CS conserve l’une des dix plus importantes archives cinématographiques du monde de par l’étendue, la diversité et la qualité de ses collections –, le Capitole deviendra dès février 2024 une véritable maison du cinéma.

Audace et moyens

Mais cette prouesse, une excellente nouvelle pour le monde de la culture, n’aurait jamais pu être accomplie sans une bonne dose d’audace, pas mal d’endurance et de gros moyens – la facture finale du chantier s’élèvera à 21,6 millions de francs, supportée par la ville de Lausanne (5 mio), l’Etat de Vaud (2 mio), la Confédération (1 mio) et par des mécènes privés, le tout chapeauté par la Fondation Capitole constituée en 2019. «Lorsque la ville avait décidé d’acheter le Capitole (le dossier était alors porté par Silvia Zamora, ndlr), cela avait suscité des débats. Aujourd’hui je suis extrêmement heureux de cette décision», a poursuivi Grégoire Junod.

Les toilettes des femmes sont la partie de 1928 la mieux conservée

Autre défi d’importance, le chantier lui-même géré par le bureau architecum. «Il a fallu composer avec deux époques, les années 1920 (pour la construction, ndlr) et les années 1950 (pour certaines transformations en 1959, ndlr)», explique l’architecte Marion Zahnd. Préserver ce double patrimoine, tout en mettant l’ensemble aux différentes normes et en créant une nouvelle salle sous le sol de la première, dans l’archicentre de Lausanne et en ne pouvant passer que par une impasse mesurant moins de 5 mètres de large: les contraintes n’ont pas manqué.

Cerise sur le gâteau, une partie des tissus – un magnifique velours rouge – n’a pas pu être retirée des murs. Tout a été soigneusement protégé. Et sauvé. Même les toilettes des femmes, la partie de 1928 la mieux conservée (!), ont été préservées et restaurées. Vivement février 2024, que le public puisse se réapproprier ce joyau!

«Le miracle s’appelle Lucienne Schnegg»

Lorsqu’on lit l’histoire du Capitole, on se dit que la préservation de cette salle jusqu’à aujourd’hui tient du miracle…

Frédéric Maire: En l’occurrence, le miracle s’appelle Lucienne Schnegg! Ou plus exactement Mademoiselle Lucienne Schnegg, car elle tenait beaucoup à ce «mademoiselle». Exploitante puis propriétaire de la salle, elle a toujours tenu bon – peut-être aussi parce qu’elle n’avait pas les moyens de faire plus – pour que le Capitole demeure tel qu’il était. Et c’est vrai qu’il y a quelque chose de miraculeux dans cette trajectoire car tant de salles ont fermé en Suisse, ou ont été subdivisées et transformées en multiplexes!

A votre connaissance, existe-t-il d’autres salles en Suisse dont l’histoire ressemble à celle du Capitole?

Il existe des salles encore plus anciennes, comme le Cinématographe à Tramelan, qui a ouvert en 1915 et n’a jamais cessé d’être un cinéma. Mais il est plus petit que le Capitole. La vraie différence, c’est le volume de ce dernier.

Construire une nouvelle salle, certes plus petite, sous la salle actuelle du Capitole, n’est-ce pas audacieux, alors que les cinémas tirent la langue?

Non, notre besoin de deux salles est presque naturel, il s’agit d’une extension de l’espace dont nous avons réellement besoin, qui permettra de diversifier notre programmation, ce qui s’avère aujourd’hui difficile sur le site de Montbenon. Et puis les chiffres de fréquentation repartent à la hausse. Les succès estivaux de Barbie et Oppenheimer le prouvent. Le très gros creux que les cinémas ont connu à la suite de la pandémie est en train de se combler. La fréquentation à la hausse des festivals de cinéma en Europe, Locarno y compris, le montre aussi.

Unir toutes les activités de la cinémathèque (projections, médiathèque, librairie spécialisée, café): cette perspective vous réjouit-elle?

Beaucoup! Quand j’ai pris mes fonctions à la cinémathèque, je suis rapidement allé voir Lucienne Schnegg, que j’avais rencontrée à Locarno (Frédéric Maire était alors directeur artistique du festival, ndlr), lorsque Jacqueline Veuve y avait présenté son film sur elle, La Petite Dame du Capitole. Elle m’a alors dit qu’elle désirait vendre son cinéma et c’est ainsi que le projet est parti.

L’identité de la cinémathèque à Montbenon a toujours eu du mal à s’imposer, alors que le Capitole est un cinéma visible, existant. Cela fait sens de s’y installer. Et il me semble que la dimension patrimoniale de la cinémathèque s’inscrit parfaitement dans ce lieu qui raconte beaucoup de l’histoire du cinéma en Suisse. Symboliquement, il est également intéressant de relever que la Confédération a participé au financement de ce projet, pour le bâtiment. C’est la première fois qu’elle intervient pour la préservation d’un cinéma, au même titre qu’un château fort!

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