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Shoah. La Zone d’intérêt, un coin de paradis en enfer

Le réalisateur Jonathan Glazer filme la réalité absente du camp de concentration d’Auschwitz à travers la famille du commandant Rudolf Höss, qui mène une vie idyllique à quelques mètres seulement des horreurs de l’Holocauste.

La Zone d’intérêt nous montre le quotidien glaçant de la famille de Rudolf Höss, commandant du camp d’Auschwitz. © Filmcoopi

30 janvier 2024 à 13:25

C’est un vrai électrochoc cinématographique, un film qui fera date. Avec La Zone d’intérêt, le cinéaste Jonathan Glazer (le terrifiant Under the Skin avec Scarlett Johansson) offre une plongée édifiante dans les méandres de l’âme humaine, explorant les profondeurs sombres du mal dans sa banalité la plus glaçante. Adapté librement du roman de Martin Amis, le film dépeint avec une précision atrocement dérangeante la vie quotidienne d’une famille allemande vivant à proximité immédiate d’un camp de concentration pendant l’Holocauste.


Au milieu de ce tableau sinistre se trouve Rudolf Höss, le commandant du camp d’Auschwitz, et sa femme, Hedwig. Le réalisateur les présente comme des figures emblématiques de l’indifférence face à l’horreur, plongeant le spectateur dans un tourbillon des plus troublants. Les Höss semblent vivre dans un monde à part, sans jamais se soucier des atrocités qui se déroulent à quelques mètres de leur confortable demeure, juste derrière un mur de béton rehaussé de barbelés.

Des images puissantes

La mise en scène est d’une efficacité redoutable, capturant les gestes quotidiens de la famille Höss avec une précision quasi clinique. Les conversations mondaines et les activités ordinaires se déroulent en parallèle des cris et des abominations du camp voisin, créant un contraste saisissant qui met en lumière la capacité de l’homme à se détourner de l’horreur qui l’encercle.

Le travail sur le son et la musique est à l’avenant. L’atmosphère est oppressante, et les bruits sourds du camp voisin se mêlent à l’apparente quiétude du jardin familial. Cette dualité entre le paradis et l’enfer, entre la beauté et l’horreur, trouve son expression la plus poignante dans des images puissantes, à l’instar de celle du mur du camp surplombé par le ciel bleu, ou encore celle de la famille Höss, insouciante, batifolant au bord de la rivière contaminée.

Le film s’impose en définitive comme une œuvre troublante, un rappel brutal de la fragilité de notre humanité et de notre capacité à sombrer dans l’oubli

Pourtant, malgré sa maîtrise technique et son ambition thématique évidente, La Zone d’intérêt peut heurter par son audace et son humour noir. Jonathan Glazer explore la laideur de la psyché humaine avec pertinence, mais il prend parfois le risque de déranger par son traitement des horreurs de l’Holocauste. Le public est averti.

Le film s’impose en définitive comme une œuvre troublante, un rappel brutal de la fragilité de notre humanité et de notre capacité à sombrer dans l’oubli. Jonathan Glazer signe ici un film rare, où l’horreur et la beauté se côtoient dans une danse macabre qui hante longtemps après le générique. Ce n’est pas un hasard s’il a remporté le Grand Prix du jury à Cannes.

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