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«L’Ukraine c’est loin, paraît-il»

La cinéaste Maryna Er Gorbach revient aux origines de la guerre dans l’est de l’Ukraine avec Klondike

Maryna Er Gorbach réalisatrice ukrainienne et Mehmet Bahadir Er Photo Lib/Charly Rappo, Fribourg, 24.03.2022Charly Rappo/Charly Rappo / La Liberté

24 mars 2022 à 18:30

Temps de lecture : 1 min

Compétition » Le long-métrage ukrainien Klondike, en compétition au Festival international du film de Fribourg (FIFF) est d’une glaçante actualité (à voir encore ce vendredi soir à 19h15 à l’Arena). Le film revient à la source du conflit dans le Donbass, à l’est de l’Ukraine, à travers le portrait d’une femme enceinte qui refuse de quitter son village alors que des séparatistes pro-russes s’en emparent. Symbole d’un conflit qui jusqu’ici n’intéressait personne, Klondike se passe en 2014, au moment où un avion de Malaysian Airlines est abattu dans la région de Donetsk, vraisemblablement par un tir de défense antiaérienne des séparatistes. Un fait divers sanglant qui a révélé à la face du monde la tragédie larvée qui se joue dans cette région. Rencontre avec la cinéaste Maryna Er Gorbach.


Pouvez-vous nous expliquer ce mot «Klondike», titre de votre long-métrage?

Maryna Er Gorbach: La raison principale pour laquelle j’ai fait ce film est que, jusqu’à il y a un mois, personne ne parlait de «guerre» en Ukraine. Il y avait toutes sortes d’euphémismes: «conflit», «situation difficile»… Les Ukrainiens avaient l’impression qu’aux yeux du monde leur douleur n’était qu’une particularité locale. Lorsque je cherchais un nom pour le film, je voulais relever que la région du Donbass est la plus riche place forte industrielle de tous les pays de l’ex-URSS. La région est aussi le lieu d’origine de nombreux oligarques. Le Klondike est une région du Canada célèbre pour sa ruée vers l’or – quelques années seulement à la fin du XIXe siècle – qui a enrichi beaucoup de personnes mais pas ses habitants historiques.

Vous avez eu de la peine à financer ce film, pourquoi?

La pandémie n’a pas aidé, c’est certain, mais le gros problème était que la guerre du Donbass n’intéressait personne à l’époque. Aucune fondation européenne n’a voulu nous soutenir. L’Ukraine, c’est loin, paraît-il. C’était très douloureux de se faire rejeter de la sorte.

Comment avez-vous vécu ce dernier mois tragique?

C’est une question à laquelle j’ai honnêtement du mal à répondre. Ces images de guerre, je les vois depuis 2016… J’ai de la famille et des amis qui vivent à Kiev et dans l’est du pays (Maryna Er Gorbach est basée à Istanbul, en Turquie, ndlr). Je pense que je me sens dans le même état émotionnel que les spectateurs de Klondike à la fin du film.

Vous avez tourné Klondike comme un avertissement. Avez-vous le sentiment qu’il est obsolète? Il est désormais trop tard pour alerter l’opinion…

(Elle marque une longue pause) Vous savez, il y avait aussi en Ukraine des incitations, notamment venant des producteurs, à faire des films plus légers, des comédies. Mais j’ai toujours eu le sentiment qu’il ne fallait pas se voiler la face. Quand on vit dans un pays en guerre, on ne peut que crier. Evidemment maintenant il est trop tard, mais je pense que le film explique bien la personnalité des Ukrainiens et la façon dont fonctionne le pays.

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