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Pierre Monnard. Entre drame rural et film de combat

Avec Bisons, le réalisateur fribourgeois Pierre Monnard raconte l’histoire d’un agriculteur champion de lutte suisse qui doit participer à des combats clandestins en France voisine pour sauver l’exploitation familiale. Un film coup de poing.

Avec ses combats viscéraux et chorégraphiés au millimètre, Bisons est un drame qui frappe fort, dans tous les sens du terme. © Elite Film

6 février 2024 à 02:05

C’est sans doute un des films suisses les plus attendus de l’année. Après le carton des Enfants du Platzspitz, en 2020, le réalisateur fribourgeois Pierre Monnard revient sur le grand écran avec Bisons, une tragédie fraternelle ancrée dans la ruralité. Bisons, c’est avant tout l’histoire d’un agriculteur champion de lutte (l’épatant Maxime Valvini) qui va accepter de participer à des combats de street fight clandestins en France voisine pour essayer de préserver la ferme familiale.

Mais c’est aussi le destin de deux frères désunis (en duo avec Karim Barras) qui vont devoir réapprendre à s’aimer pour sauver le peu qu’il leur reste. En associant des éléments de genre – le film de combat – et une intensité dramatique qui regarde en face la complexité humaine, le cinéaste signe un film coup de poing qui a tout pour marquer les esprits. Une œuvre profondément suisse mais dont la portée est universelle. Interview.

Les enfants du Platzspitz a obtenu un écho assez rare en Suisse. Vous avez ressenti de la pression après cet immense succès?

Pierre Monnard: J’ai commencé à travailler sur Bisons dès 2017… Donc non, je n’ai pas forcément ressenti de pression. En revanche le succès des Enfants du Platzspitz a contribué à faciliter sa réalisation. Il n’a pas été simple de le financer. Il a fallu se battre et peut-être que sans ce succès nous n’aurions pas pu le faire.

Les retours après la première du film aux Journées de Soleure il y a quelques jours sont encourageants…

Là, il y avait de la pression. Avant la première je n’avais encore jamais vraiment vu le film en entier, sans coupures, sans changer quelque chose… Et avec six nominations aux Prix du cinéma suisse, cela m’a relaxé. C’est déjà une belle reconnaissance. Je suis notamment très content de la nomination de Maxime Valvini, dont Bisons marque les premiers pas devant une caméra.

Pourquoi avoir choisi de tourner dans la région de Sainte-Croix?

Nous avons tourné le film dans le Jura vaudois et neuchâtelois, dans l’arrière-pays de Sainte-Croix. Notre histoire se déroule à la frontière franco-suisse, donc une région frontalière s’imposait. En outre, c’est un des rares endroits du pays d’où on ne voit jamais les Alpes. Cela renforce le sentiment d’abandon et de désorientation que je recherchais. Je voulais sortir des clichés de cartes postales.

Votre film est ancré dans le milieu agricole. Quel est votre rapport à la paysannerie?

J’ai grandi à Châtel-Saint-Denis, dans une famille qui compte bon nombre d’agriculteurs. Je passais tous mes étés à la ferme, j’allais soutenir mes camarades à la fête de lutte du Lac-des-Joncs… C’est un milieu que je connais bien et dont je me sens très proche. J’ai pu observer de près cette évolution qui fait que cette petite paysannerie a presque disparu au profit d’une agriculture plus industrielle. Et c’est ce combat des petites exploitations qui m’a inspiré.

Vos héros vont rencontrer d’autres exclus en passant la frontière. Parlez-nous de cet univers des combats clandestins. Existent-ils tels que dans le film?

Cela existe pour de vrai. Il suffit d’aller sur YouTube pour se rendre compte de l’ampleur du phénomène. Pour moi, ce monde est une métaphore. J’ai essayé de prendre le motif du combat et de le décliner sous plusieurs formes, de la lutte suisse au combat des paysans pour leur survie. Mon but n’était pas de faire un projet sociologique ou ethnologique des gens qui pratiquent ces combats clandestins.

«Je voulais que le spectateur soit projeté à l’intérieur du combat et qu’il en ressente l’intensité»
Pierre Monnard

Comment avez-vous trouvé Maxime Valvini, votre combattant?

L’intention était de choisir quelqu’un qui vienne du combat. Nous avons fait le tour des clubs de lutte de Suisse romande et nous avons rencontré Maxime Valvini, qui vient du club de Carouge. Il a un profil particulier puisqu’il vient de la lutte suisse mais il pratique aussi le jiu-jitsu et le grappling. Et puis il avait fait un apprentissage de maraîcher, ce qui fait qu’il connaissait la terre… Il comprenait tous les aspects de ce premier rôle.

Pour autant, être acteur, ça ne s’improvise pas…

Maxime a accepté de faire les sacrifices nécessaires pour endosser ce rôle. Le scénario a été réécrit autour de lui. Maxime s’est entraîné comme un athlète. Il a une discipline de dingue. Ce que j’ai vu aussi chez lui c’est qu’au-delà de son physique, il porte en lui une douceur qui incarne ce que je voulais explorer: la frontière entre force brute et délicatesse.

Les séquences de combat sont particulièrement viscérales et authentiques. Vous aviez des références en tête?

J’avais forcément plusieurs films en tête comme Bullhead ou De rouille et d’os. Mais l’expérience m’a appris qu’arriver avec des idées préconçues, ce n’est pas l’idéal… Mon intention première était de tourner des combats très immersifs avec une caméra qui colle au personnage. Je voulais que le spectateur soit projeté à l’intérieur du combat et qu’il en ressente l’intensité. La personne qui a réglé ces combats, Cyril Raffaelli, est une sommité mondiale qui travaille à Hollywood. Il a fait plein de films avec Luc Besson, Bruce Willis et j’en passe. Il a très vite compris que Maxime avait des capacités sportives incroyables. Ensemble, ils ont pu chorégraphier des vrais combats où les coups sont semi-portés. D’où le réalisme et l’intensité des prises.

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