Logo

Écrans

Dupontel, tragique et baroque

Formellement très abouti, le film d’Albert Dupontel est un petit bijou d’émotion

Improbable duo, Virginie Efira et Albert Dupontel (au centre) cherchent l’amour dans une société assez mal adaptée aux rêveurs.

20 octobre 2020 à 20:55

Adieu les cons » A la sortie de son film précédent, Au revoir là-haut, l’adaptation d’un Goncourt aux multiples Césars en 2018, Albert Dupontel nous confiait vouloir mettre en scène un film plus intime, «une de ces petites comédies avec des personnages névrotiques et déviants comme je les aime». Et c’est aujourd’hui que sort dans les salles un nouveau Dupontel au titre plus que prometteur: Adieu les cons.

 

Suze Trappet (Virginie Efira) apprend à 43 ans que les produits toxiques contenus dans les laques pour cheveux qu’elle utilise chaque jour dans son salon de coiffure lui ont filé une maladie incurable. Se sachant condamnée, elle entreprend de retrouver l’enfant qu’elle a été forcée d’abandonner lorsqu’elle avait 15 ans. Elle se lance dans une croisade administrative sans issue mais va tomber par hasard sur l’homme providentiel, JB (Albert Dupontel lui-même), un ingénieur en informatique en burn-out qui vient de rater son suicide… Un duo improbable qui, par amour, va soulever des montagnes dans un monde manifestement pas très adapté aux rêveurs.

Caméra virtuose

Avec l’âge, Albert Dupontel s’est assagi. C’est un fait. Il est loin le temps où le trublion éclatait la bienséance à grands coups de pelle dans Bernie (1996) ou en croquant des personnages cinglés et amoraux dans ses spectacles comiques. Mais même si le punk au nez rouge a mis un peu d’eau dans son vin, il a surtout acquis un statut à part dans le cinéma hexagonal, celui d’homme à tout faire. Comédien aguerri et polyvalent doublé d’un réalisateur doué et techniquement aventureux, Dupontel est capable de récolter les lauriers de la critique tout en séduisant le grand public.

Et c’est ce qu’il fait admirablement dans Adieu les cons. Sa caméra, inventive comme jamais, sert une poésie visuelle rarement exploitée en France, qu’il s’agisse d’un split screen avec un rétroviseur ou d’un savant mouvement de grue en colimaçon. Le directeur de la photographie Alexis Kravyrchine, césarisé lui aussi, est au diapason avec des couleurs puissantes et baroques qui évoquent le Brazil de Terry Gilliam (lequel fait justement une petite apparition dans le film en YouTubeur américain façon chasse et pêche).

Cette virtuosité formelle n’est pas nouvelle chez Dupontel, qui a toujours eu des velléités artistiques prononcées. Non, la vraie nouveauté vient ici du fait que le cinéaste explore le mélo avec une candeur touchante. Ne soyez pas surpris de verser une larmichette au détour d’une scène. Ici, le rire fait jeu égal avec la mélancolie. Grâce à des dialogues ciselés et un rythme très maîtrisé, les comédiens livrent le meilleur d’eux-mêmes. A commencer par une Virginie Efira irrésistible, tout en nuances, et des seconds couteaux absolument imparables (Nicolas Marié, Philippe Uchan…). Adieu les cons est sans doute le film le plus sentimental de son auteur. C’est aussi l’un des plus tragiques et réussis.

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus

Dans la même rubrique