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«Cinéma spéculations» raconte la découverte du septième art par Quentin Tarantino

L’Américain Quentin Tarantino évoque sa découverte du cinéma de genre dans Cinéma spéculations, un livre aussi touchant qu’essentiel

Plutôt que de le confier à sa grand-mère ou à une baby-sitter, le couple emmène Quentin voir des films qui ne sont pas forcément adaptés à son âge.

5 mai 2023 à 18:10

Parution » Voici l’histoire d’un petit garçon sage mais curieux. Un môme né à une époque que l’on qualifiera de bénie. Bienvenue dans le Los Angeles de la fin des sixties. Dès la nuit tombée, les enseignes des cinémas s’allument et les rues de la Cité des anges baignent dans une lumière irréelle. L’instant est magique pour Quentin, sept ans. De fait, sa mère, qui vit désormais avec un type tout ce qu’il y a de sympathique prénommé Curt, adore passer ses soirées dans les salles obscures. Plutôt que de le confier à sa grand-mère ou à une baby-sitter, le couple emmène Quentin voir des films qui ne sont pas forcément adaptés à son âge. En quelques mois, le garçon va ainsi découvrir des longs-métrages tels que Bullitt, Quand les aigles attaquent, MASH, Catch 22, Le Bon, la brute et le truand, Klute, La Fiancée du vampire, et tant d’autres bombes. Parfois il s’endort. Une autre fois, après avoir entendu un personnage de Ce plaisir qu’on dit charnel supplier sa compagne en ces termes: «On devrait le faire, j’en ai très envie», il demande à voix haute: «Ils veulent faire quoi au juste?» et déclenche l’hilarité générale.

«Je voulais écrire sur le cinéma et j’ai fini par vous raconter un peu l’histoire de ma vie»
Quentin Tarantino

Bientôt, Quentin devient tellement incollable sur les films réservés à un public averti que les mères de ses camarades d’école exigent que ces derniers ne lui adressent plus la parole. Pour ne pas faire de mauvais rêves, et surtout pour ne pas se mettre de sales idées en tête.

L’histoire de sa vie

Il est vrai qu’un enfant de onze ans qui découvre en double programme La Horde sauvage et Délivrance prend, en moins de cinq heures, quelques années d’avance sur ses copains… Après s’être reconnecté à son enfant intérieur pour signer Once Upon A Time in Hollywood, conte urbain sublime, grave, solaire, revu et corrigé sous divers angles dans un fascinant roman éponyme, Tarantino se dévoile sous un jour encore plus intime dans Cinéma spéculations.

On sait depuis fort longtemps que le réalisateur américain est un sacré raconteur d’histoires, un tchatcheur sans équivalent dans l’univers du septième art contemporain. Dès les premières pages, Tarantino capte instantanément l’attention du lecteur en ouvrant délicatement ses petits carnets emplis de souvenirs liés au «cinoche», emplis d’évocations plus personnelles aussi. «Je voulais écrire sur le cinéma et j’ai fini par vous raconter un peu l’histoire de ma vie», avoue-t-il sur le bandeau de couverture. C’est le sentiment qu’on a à la lecture de ces quelque 400 pages durant lesquelles «Mister Q» balance anecdotes et infos en rafale avant de bâtir des ponts audacieux entre films de genre et œuvres certifiées d’intérêt majeur.

McQueen à la folie

En vérité, Cinéma spéculations ressemble à une version yankee de La Dernière séance, émission mythique d’Eddy Mitchell.

On sait depuis fort longtemps que le réalisateur américain est un sacré raconteur d’histoires

Des étoiles plein les yeux, l’auteur projette sur l’écran large de sa mémoire les films qui lui ont permis de forger sa cinéphilie. Non content d’expliquer comment, seul blanc parmi plus de 800 hommes noirs, il a découvert le mouvement Blaxploitation en visionnant Gunn la gâchette, il analyse longuement quelques pellicules majeures de son enfance. Au-delà de son attirance pour les séries B projetées dans les salles de quartier, on découvre à travers des essais très poussés sur Bullitt ou Guet-Apens son admiration pour Steve McQueen.

Plus encore qu’à Paul Newman ou à Clint Eastwood (dont deux films signés Don Siegel sont ici scrupuleusement décortiqués), Tarantino demeure fasciné par l’élégance et la radicalité de celui qu’on surnommait le «Prince du cool». Il se régale en rapportant de nombreuses anecdotes. Notamment celles confiées par Neile, l’ex-épouse du mythe, ou par Walter Hill, un réalisateur puncheur (Les Guerriers de la nuit, assistant sur L’Affaire Thomas Crown et Bullitt, scénariste de Guet-Apens). McQueen, sa Mustang et son fusil à pompe, Martin Scorsese et son Taxi Driver, Steven Spielberg et son requin, Sylvester Stallone et sa Taverne de l’enfer, la belle gueule fracturée de William Devane dans Légitime violence: tout un cinéma longtemps méprisé par les puristes revit dans le cœur d’un grand enfant. Merci d’exister, Mister Q.

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