Logo

Écrans

Sortie cinéma. «Babylon», sexe, drogue et Hollywood

Damien Chazelle revient avec une fresque démesurée et décadente sur l’industrie du cinéma


Jérémy Rico

Jérémy Rico

17 janvier 2023 à 13:06

Babylon » 1934 est l’année où le vent a tourné à Hollywood. C’est à cette période qu’est entré en vigueur le code Hays, un texte de loi obligeant les productions cinématographiques à promouvoir des mœurs convenables. Avant cela, Hollywood était le royaume du stupre et des excès en tout genre. Pour le clergé d’alors, l’usine à rêves de Californie était tout simplement la nouvelle Babylone. La fin des années 1920 et le début de la décennie suivant sont également le moment où le cinéma a vécu une révolution artistique majeure, passant du muet au parlant.

Ce sont ces temps troubles que le réalisateur Damien Chazelle (Whiplash, First Man) raconte dans son nouveau long-métrage Babylon. Après sa déclaration d’amour à Hollywood, sur le mode de la comédie musicale, avec La La Land (2016), la coqueluche du cinéma américain brosse un autre portrait de la célèbre Tinseltown mais en explorant cette fois ses aspects les plus sombres. Une entreprise autrement moins policée. Pour ce faire il s’entoure d’un casting d’ensemble de haut vol affichant au générique notamment Margot Robbie, Brad Pitt et le comédien mexicain Diego Calva Hernandez (vu dans la série Narcos: Mexico).


Diva cocaïnée

Le film de Chazelle suit l’ascension et la chute de plusieurs personnages fictifs (Calva, Pitt et Robbie) dans ces années où la dépravation ne semblait avoir que le ciel pour limite. L’occasion pour le cinéaste de peindre une fresque composée de personnalités plus grandes que nature. On y croise un trompettiste noir virtuose (Jovan Adepo), une actrice et chanteuse chinoise (Li Jun Li) ou un producteur dépressif et malheureux en amour (Lukas Haas). Et le name-dropping ne s’arrête pas là puisque le long-métrage est un festival d’apparitions: le réalisateur Spike Jonze en cinéaste allemand irascible, le bassiste des Red Hot Chili Peppers Flea en rond-de-cuir ou encore un Tobey Maguire jubilatoire dans le costume d’un caïd de la pègre régnant sur les bas-fonds les plus sordides de la cité des anges.

La très prude critique nord-américaine condamne d'ores et déjà ce déballage indécent

Tout ce petit monde s’agite dans un microcosme où le faux-semblant est roi et ou l’alcool, la poudre blanche et le sexe sont le ciment d’un business qui brasse des millions de dollars… Quelque part entre le mauvais goût assumé du Loup de Wall Street et les paillettes de Moulin Rouge en quelque sorte. L’objectif est bien ici de choquer en filmant magnifiquement les pires comportements dans un tourbillon hystérique de trois heures qui ne se calme que pour verser dans une mélancolie déprimante aux allures de gueule de bois. A ce petit jeu, les acteurs sont assez incroyables. Notamment Margot Robbie qui incarne sans doute la plus fascinante diva cocaïnée depuis Michelle Pfeiffer dans Scarface. Diego Calva Hernandez, quant à lui, est le personnage sur lequel le spectateur pourra le mieux s’appuyer: immigré mexicain gravissant les échelons à la force du poignet et essuyant un racisme institutionnalisé, il est l’élément extérieur de ce cirque médiatique. Spectaculaire sera son ascension, mais gare à la dégringolade. 

La très prude critique nord-américaine condamne d’ores et déjà ce déballage indécent et le public états-unien ne se presse pas aux guichets des multiplexes. Pour peu on croirait que le code Hays, qui n’est pourtant plus appliqué depuis 1968, est encore en vigueur dans certains cercles. Il faut bien dire que Damien Chazelle n’y va pas avec le dos de la cuillère et que son film ajoute au sexe et à la drogue de rigueur des séquences à vous couper littéralement l’appétit (émétophobes, détournez le regard). Mais de notre côté de l’Atlantique on préférera rire et trembler devant ces destins croisés qui portent en eux un vice tout à fait contemporain. Démesuré, vénéneux, grandiose, baroque… Babylon est un grand moment de cinéma, certes trivial et délirant, poussant le curseur jusqu’au surréalisme.

Babylon

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus