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Écrans

Andersson, mélancolie stylée

Le dernier film de Roy Andersson brosse un portrait décalé de notre humanité

Chez Roy Andersson, le banal devient souvent merveilleux.

13 avril 2021 à 15:36

Pour l’éternité » On ne savoure pas un film de Roy Andersson comme on consommerait le dernier Marvel, vite vu, vite oublié. Le réalisateur suédois n’a en effet pas son pareil pour créer des mondes miniatures qui envoûtent par leur esthétique et interpellent par leur message universel. Le genre de longs-métrages que l’on garde au fond du cœur toute une vie (Chanson du deuxième étage, Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l’existence). Sa dernière réalisation, Pour l’éternité, ne déroge pas à la règle. Cela tombe bien, on peut désormais en profiter en vidéo à la demande, en partenariat avec les salles de cinéma romandes.

Lion d’argent au festival de Venise en 2019, Pour l’éternité nous emmène dans une Suède neurasthénique aux couleurs sourdes et à l’atmosphère ouatée. En une trentaine de scènes – des sketches oserait-on presque dire –, Andersson sonde l’âme humaine et ses errances. Sa caméra amusée puise son inspiration dans le cocasse, le banal, le merveilleux, l’histoire et même la Bible. Un kaléidoscope où l’on croise aussi bien une coiffeuse au chevet d’une plante en pot, un drame domestique sanglant, un curé qui perd la foi, ou encore un mari jaloux qui gifle son épouse au rayon poissonnerie.

Critique et empathique

Auteur de six films en 50 ans de carrière, Roy Andersson est un cinéaste atypique. Son mode opératoire est simple: il a connu le succès en réalisant d’innombrables publicités (avec un style qui lui est propre) qui lui ont permis de financer des projets de films de cinéma pour le moins originaux. Dans le nouveau chapitre de son œuvre sur pellicule, une douce voix de narratrice nous accompagne. Elle récite un poème dont chaque strophe commence par «j’ai vu un homme…» ou «j’ai vu une femme…» A chaque vers correspond un court-métrage plein de poésie. Composé essentiellement de plans fixes, Pour l’éternité captive par ses images méticuleusement organisées, son grain rétro mais surtout par ses trouvailles visuelles, ses jeux de perspectives. Des acteurs au jeu volontairement décalé ou apathique sont incrustés dans ces décors immobiles mais truffés de détails. Des compositions étranges et inhabituelles qui dégagent une mélancolie stylée du plus bel effet.

Composé essentiellement de plans fixes, Pour l’éternité captive par ses images méticuleusement organisées.

Sans lien apparent, ces saynètes se répondent et brossent un portrait circonspect de notre humanité. Au-dessus plane une caméra espiègle qui pose un regard critique mais empathique sur l’état du monde et de ses habitants. Une invitation déconcertante mais fascinante.


Pour l’éternité

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