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Cinéma. Albert Dupontel se qualifie pour le "Second tour"

Le cinéaste Albert Dupontel revient avec une fable politique lucide et poétique sur notre monde qui part à la dérive. Il s’entoure de ses comédiens fétiches mais enrôle également une Cécile de France complice.

Cécile de France et Nicolas Marié, un duo de journalistes hilarant, enquêtent sur le passé douteux d’un candidat à l’élection présidentielle. © Pathé Films

24 octobre 2023 à 13:25

Second tour » Le monde de la politique est un panier de crabes! Le nouveau film d’Albert Dupontel Second tour nous en offre l’amusante démonstration sous ses atours de fable contemporaine. Cécile de France est une journaliste politique tombée en disgrâce et reléguée à la rubrique football qui reprend du service pour suivre l’élection présidentielle. Le favori est un certain Pierre-Henri Mercier (Dupontel lui-même), l’héritier d’une richissime famille française. Mais ce candidat idéal dissimule un passé bien moins lisse. Mue par la recherche de la vérité, la journaliste, flanquée de son inséparable caméraman (Nicolas Marié), se lance dans une enquête aussi surprenante que réjouissante. Interview du réalisateur.


Le public vous a découvert au début des années 1990 avec un one man show viscéral, puis au cinéma avec Bernie… Puis est venu le temps des Césars avec Au revoir là-haut et Adieu les cons… Et aujourd’hui vous êtes candidat à la présidentielle dans Second tour: que de chemin parcouru!

Albert Dupontel: Je perçois l’ironie dans votre question (rires)! Vous savez on fait ce qu’on peut, pas toujours ce qu’on veut… Le one man show c’était inespéré. A l’époque je jouais dans des campings. Avec les sous du spectacle, j’ai pu autoproduire mon premier court-métrage et ça m’a permis de faire Bernie, etc.

Avec Second tour vous abordez finalement la politique de manière frontale?

J’ai écrit le film pendant le confinement et j’étais, comme beaucoup de citoyens, un peu frustré de voir nos dirigeants parler d’une crise économique plus que d’une crise sanitaire. Le Covid c’est un peu le symbole de notre époque où la nature se retourne contre nous. On ne va pas se mentir, on a un petit peu déconné. Je suis tombé sur un documentaire consacré à Bobby Kennedy et j’ai trouvé ses mots justes et profonds. La parole politique, quand elle est sincère, peut avoir un poids. Mais pour notre génération c’est difficile à mesurer. Nous vivons à l’époque du repli identitaire.

Quel regard portez-vous sur le cirque politique, en France et dans le monde?

Regardez en Angleterre, il y a un banquier au pouvoir, en France aussi… Ce sont des gens mis en place par les dominants, et depuis 30 ans les dominants ce sont les marchands qui veulent avant tout défendre leurs intérêts. Macron en France c’est quelqu’un qui n’avait jamais été élu auparavant. Les élites politiques sont déconnectées.

Votre héroïne est journaliste. Les médias ont aussi une part de responsabilité?

J’aime bien m’amuser avec cette info délirante et absurde qui s’emballe. Mon héroïne est une forme de déclaration d’amour au journalisme. Elle ose risquer sa carrière pour révéler des vérités. C’est un hommage.

Quel message aimeriez-vous faire passer avec Second tour?

L’essentiel c’est que les gens passent un bon moment. Je parle de sujets qui m’intéressent et qui m’angoissent mais je n’ai pas forcément de message. Quand Chaplin fait Le Dictateur, il s’amuse, il veut distraire. Le public est malin, il a déjà compris. Ken Loach, un cinéaste que je vénère, fait des films à message. Moi je me contente de faire de la dérision.

«La parole politique, quand elle est sincère, peut avoir un poids»
Albert Dupontel

Vous avez enrôlé vos comédiens fétiches (Philippe Uchan, Nicolas Marié) mais aussi Cécile de France, avec qui vous n’aviez encore jamais tourné…

Ça faisait longtemps que je rôdais autour d’elle, en tout bien tout honneur (rires). Je pensais déjà à elle pour Adieu les cons mais, au final, Virginie Efira trimballait un érotisme tellement spectaculaire… En revanche il y a chez Cécile un côté militante refoulée. Elle a un vrai ego d’artiste mais pas un ego de vedette. Elle est aussi très rigoureuse et enthousiaste. Elle s’épanouit totalement dans ce rôle insolent.

Il y a beaucoup d’effets spéciaux. Maintenant vous en avez les moyens?

Il y a ce que l’on voit, les mouvements de caméra. Et puis ce que j’espère que vous ne verrez jamais… Il y a beaucoup d’extérieurs qui ont été réalisés en studio. J’aime bien travailler comme ça. Je me soustrais au monde extérieur. Mon scénario est de toute manière invraisemblable et ma seule chance que le public y croie c’est que les acteurs soient sincères. Dans l’ambiance protégée d’un studio on peut se concentrer là-dessus. Et puis c’est une fable donc il faut se donner les moyens de la raconter. Il faut que les pages soient colorées.

Après le succès d’Adieu les cons est-ce que vous avez eu une pression supplémentaire?

On ne va pas se raconter de salades… La norme dans ce métier c’est quand même l’échec. Je vis cela sereinement. C’est l’avantage de vieillir, il y a un type de pression sociale qui disparaît. Mais quand ça marche c’est agréable parce que ça prouve que vous arrivez à communiquer avec les gens. Et puis on vous donne l’occasion de tourner un autre film plus facilement (rires).

Second tour est aussi un film sur les liens familiaux. C’est une obsession chez vous…

Même moi j’ai du mal à l’expliquer. C’est une sorte de névrose. Je pense que nos déviances d’adultes viennent souvent de notre enfance, même si celle-ci s’est bien passée, ce qui a été mon cas. Je m’intéresse beaucoup aux éducations différentes. Mes enfants sont dans des écoles alternatives par exemple. J’ai vécu une mauvaise scolarité. Je détestais l’école et j’aimais encore moins ce que l’école faisait de moi. C’est-à-dire quelqu’un qui était programmé. Il y a beaucoup de personnes qui quittent l’école en pensant qu’elles sont bêtes parce qu’elles n’arrivent pas à rentrer dans le moule. Alors que c’est juste qu’elles ne sont pas adaptées à ce système de pensée.

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