Logo

AVS

Réforme de l’AVS. Pierre-Yves Maillard et Johanna Gapany croisent le fer

Au cœur du débat entre le conseilller national socialiste et la conseillère aux Etats libérale-radicale: la question des inégalités salariales qui frappent les femmes


13 septembre 2022 à 00:53

Prévoyance » Elle, la jeune sénatrice de droite, soutient le relèvement de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans. Lui, le vieux briscard de gauche, le combat. Duel de genre et de génération autour d’un enjeu central: l’avenir de la plus populaire de nos assurances sociales. La libérale-radicale Johanna Gapany et le socialiste Pierre-Yves Maillard croisent le fer sur la réforme de l’AVS soumise au peuple le 25 septembre.

Johanna Gapany, ne trahissez-vous pas la cause des femmes en soutenant le relèvement de l’âge de la retraite à 65 ans?

Johanna Gapany: Non, on parle de consolider l’AVS et l’âge de la retraite est une partie de la réforme. Pour les femmes qui arrivent à la retraite maintenant, c’est un changement important, c’est clair. Et c’est la raison pour laquelle des compensations sont prévues. Si on veut avancer sur le terrain de l’égalité, on doit réaliser cette réforme qui permet de garantir le niveau des rentes pour toutes et tous et en même temps travailler sur la réforme du 2e pilier pour mieux intégrer les femmes et améliorer réellement leur rente.

Pierre-Yves Maillard: Dans les faits, l’égalité est encore loin d’être réalisée. Les femmes gagnent à peu près un tiers de salaire en moins, dont 10% sont liés uniquement au fait qu’elles sont des femmes. Les bases légales pour corriger cela sont très faibles, car le camp bourgeois ne veut pas de mesures de sanctions. Au nom de l’égalité, on veut enlever aux femmes et aux couples mariés cette année de rente qui corrige insuffisamment des inégalités persistantes. C’est un recul.

Le projet en quatre points

Hausse de l’âge de la retraite des femmes de 64 à 65 ans. L’augmentation se fait par tranches de trois mois étalée sur quatre ans à partir de 2025.

Compensations pour les femmes nées entre 1961 et 1969 sous la forme d’un supplément de rente à vie, compris entre 12,50 fr. et 160 fr. par mois, en fonction de l’année et du revenu.

Flexibilisation de l’âge de la retraite entre 63 et 70 ans, avec des facilités et la possibilité d’un départ à la retraite progressif.

Hausse de la TVA de 0,4 point, de 7,7% à 8,1%, et de 0,1 point à 2,6% pour le taux réduit, appliqué aux produits alimentaires et de première nécessité.

Que rétorquez-vous à cet argument d’un recul pour l’égalité?

JG: Effectivement, il y a des différences salariales qui sont inexcusables et indéfendables. Ces inégalités seront corrigées dans notre génération. J’en suis convaincue. Maintenir une inégalité sur l’âge de la retraite, cela ne nous fait pas avancer sur le champ de l’égalité. Cela nous maintient dans un discours qui fait de la femme le sexe faible, qui doit partir à la retraite en même temps que son mari, car souvent elle est un peu plus jeune. C’est un discours qui appartient à une société patriarcale. Je les entends ces discours: «Vous partez à la retraite avant, vous n’avez pas l’obligation de servir, vous avez un congé-maternité.» Nous avons la responsabilité de dessiner un avenir politique qui soit le même pour les hommes et pour les femmes.

PYM: Ce discours-là, c’est celui des femmes qui ont la chance d’avoir pu étudier longtemps et qui gagnent beaucoup d’argent. Mais celles qui travaillent dans des métiers difficiles, dans la santé ou la vente de détail par exemple, celles qu’on est tous allé applaudir au balcon pendant la pandémie, elles sont révoltées par cette réforme, qui fait 800 millions de francs d’économies en moyenne ces dix prochaines années sur le dos des femmes.

JG: Vous venez nous dire qu’on est la jeunesse dorée. Mais c’est tout le contraire en réalité, car on se rend bien compte que ça va être de moins en moins simple de maintenir le niveau des rentes à la retraite. Tout n’est pas idéal dans cette réforme. C’est le propre d’un compromis. Mais elle va nous permettre de garantir le niveau des rentes ces dix prochaines années et de rassurer les générations futures sur la solidité du système.

«Maintenir une inégalité sur l’âge de la retraite, c’est un discours qui appartient à une société patriarcale»
Johanna Gapany

Les sondages montrent que les femmes sont fortement opposées à cette réforme. Cela doit vous interpeller?

JG: Non, ce qui m’interpelle, c’est la campagne qui est menée là autour. Tous les arguments des opposants sont clairement destinés à convaincre les femmes. Le résultat, c’est un fort clivage hommes-femmes, alors que nous sommes toutes et tous concernés. Exploiter les inégalités qui pénalisent les femmes ne nous fera pas avancer.

PYM: Les inégalités dans les salaires ont pour corrélat des inégalités dans les rentes. Et c’est pourquoi il est légitime de dire que tant que l’inégalité salariale n’est pas corrigée, on ne peut pas commencer à bidouiller les prestations de l’AVS.

JG: Au niveau de l’AVS, l’inégalité n’est pas en défaveur des femmes. C’est dans le deuxième pilier qu’il y a une nécessité de mieux intégrer les revenus des femmes et on s’y attelle.

La campagne des opposants dresse l’épouvantail de la retraite à 67 ans. Ne jouez-vous pas sur la peur des gens?

PYM: Quand on est face à des gens qui découpent un salami, tout en annonçant clairement la couleur, on est bien obligé de décrire la longueur du salami. L’initiative des jeunes PLR est sur la table du parlement. Elle demande la retraite à 66 ans pour tous et ensuite une augmentation régulière en fonction de l’espérance de vie. Mais si la droite ne gagne pas le 25 septembre, elle peut ranger ses projets dans les tiroirs.

«Quand on est face à des gens qui découpent un salami, on est bien obligé de décrire la longueur du salami»
Pierre-Yves Maillard

JG: Si le oui l’emporte, ce ne sera pas le succès de la droite mais celui de la société dans son ensemble. Et effectivement, l’âge de la retraite, c’est une question qui se pose avec l’évolution de l’espérance de vie. L’initiative des jeunes PLR la remet sur la table. Mais le débat va sans doute davantage se diriger vers une flexibilisation que vers une augmentation fixe de l’âge de la retraite.

PYM: Je n’ai pas bien compris: vous êtes pour ou contre cette initiative des jeunes PLR?

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus