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Les élections fédérales de 2023

Du «rêve atomique» à l’abandon (au retour?). les partis suisses face au nucléaire

La crainte de pénurie d’énergie a remis l’atome sur le devant de la scène politique suisse. Retour sur un parcours tumultueux depuis la Seconde Guerre mondiale.

Des antinucléaires manifestent contre la centrale nucléaire de Kaiseraugst (AG) le 25 février 1978. © Keystone-archives

11 octobre 2023 à 00:20

Temps de lecture : 1 min

Elections fédérales » La Suisse se relancera-t-elle un jour dans la construction de nouvelles centrales nucléaires? La question paraissait enterrée depuis le «oui» du peuple, en 2017, à la stratégie énergétique 2050, venue acter la sortie de l’atome. Mais les craintes de pénurie d’énergie ont ravivé ce débat sous la Coupole.

Une initiative populaire, qui vise à revenir sur l’interdiction de la construction de nouvelles centrales, est également en cours de récolte de signatures. Retour sur les quatre tournants connus par cette technologie en Suisse, depuis le début de son développement à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

 

1. Le «rêve atomique»

«On a connu, dès 1945-1946, un moment d’enthousiasme largement partagé pour le nucléaire civil. Une sorte de rêve atomique qui partait du principe que celui-ci allait apporter de nombreux bienfaits, y compris pour la médecine ou l’agriculture», commence Bruno Strasser, historien des sciences. Mais les dévastations provoquées par les bombardements d’Hiroshima et de Nagasaki en août 1945 restent présentes dans les esprits. «Il y a toujours eu une ambivalence, une tension.»

Dès le début, «cette technologie a suscité à la fois des espoirs immenses pour la paix et la prospérité, et une crainte de destruction totale de l’humanité», poursuit le professeur à l’Université de Genève. Favorables à l’essor de cette technologie, les pouvoirs publics américains, européens ou suisses vont alors chercher à influencer l’opinion publique pour qu’elle penche en faveur de l’atome. «Une importante opération de relation publique va être mise sur pied. Ce sera notamment le cas lors de l’exposition Atome pour la paix qui s’est tenue à Genève, en 1955.»

 

2. Bombe et centrale 100% Swiss made

On l’oublie aujourd’hui, mais, au tournant des années 1950, le pouvoir politique suisse rêvait de pouvoir produire des bombes atomiques et des centrales nucléaires de fabrication 100% helvétique. «En 1946, le chef du Département militaire fédéral Karl Kobelt ment devant le parlement en assurant que c’est uniquement le nucléaire civil qui intéresse la Suisse. En réalité, il commanditait, la semaine précédant son discours, un rapport secret qui demandait de réaliser des recherches pour le développement d’une bombe atomique en Suisse», rappelle Bruno Strasser.

A ce moment-là, «le développement militaire et industriel du nucléaire sont indissociables. On choisit de développer une filière du nucléaire civil qui permet la création de davantage de plutonium, un élément servant dans la confection des bombes», appuie l’historien. Mais l’industrie suisse est réticente: «Si ses fleurons, comme ABB et Sulzer, travaillent sur la création d’un réacteur, c’est la Confédération qui met en grande partie l’argent sur la table.»

Faute de résultat probant, les rêves du nucléaire 100% Swiss made sont peu à peu abandonnés. Les premiers réacteurs de Suisse seront finalement achetés aux Américains. Beznau 1, premier du pays et plus ancien en fonctionnement dans le monde, est mis en service en 1969. En 1988, le programme militaire est stoppé.

 

3. L’essor des mouvements antinucléaires

L’accident de Lucens (VD) en 1969 vient ternir l’image de l’atome et donner un premier souffle aux mouvements antinucléaires. Ceux-ci se consolident autour du projet de centrale nucléaire à Kaiseraugst (AG), au tournant des années 1970. «L’énergie nucléaire est combattue pour des raisons environnementales, mais aussi parce qu’elle est symbole d’un type d’Etat, policier, centralisé, technocrate, qui est rejeté par ces militants», éclaire Bruno Strasser.

En 1975, jusqu’à 15’000 personnes venues de toute l’Europe bloquent les travaux et provoquent, après onze semaines de résistance, le report de la construction. Le projet est finalement abandonné en 1987, officiellement pour des raisons économiques. Le projet de Verbois (GE), lancé aussi en 1965, connaît le même sort. «Ces chantiers n’ont pas abouti car ils devenaient politiquement trop lourds», affirme notre expert.

 

4. La sortie de l’atome

L’accident de Tchernobyl, le 26 avril 1986, servira à nouveau de catalyseur aux contestataires. Après cette catastrophe, le peuple suisse vote, le 23 septembre 1990, en faveur d’un moratoire de dix ans sur la construction de centrales nucléaires en Suisse. Le même jour toutefois, il rejette l’abandon du nucléaire. En 2003, la population refuse de prolonger le moratoire et dit une nouvelle fois «non» à la sortie du nucléaire. Quatre ans plus tard, le Conseil fédéral décide le remplacement des centrales, avec de nouvelles constructions.

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