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Multinationales responsables

Bataille émotionnelle

La campagne sur l’initiative «pour des multinationales responsables» démarre sur les chapeaux de roues


Aurélie Yuste

Aurélie Yuste

1 octobre 2020 à 01:05

Temps de lecture : 1 min

Votations » Vous avez aimé la campagne des votations de dimanche dernier? Si oui, vous allez adorer celle en vue du scrutin du 29 novembre. Au menu, seulement deux objets, mais la campagne sur l’initiative «pour des multinationales responsables» promet d’être enflammée, avec une charge émotionnelle importante. Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer ces banderoles orange en faveur de l’initiative qui fleurissent sur les balcons de toute la Suisse depuis plusieurs années déjà.

Ce mercredi a été donné le coup de départ de cette campagne avec deux conférences de presse. Du côté des opposants à l’initiative, on a sorti l’artillerie lourde avec la présence de trois présidents de parti: Petra Gössi pour le PLR, Marco Chiesa pour l’UDC et Gerhard Pfister pour le PDC.

D’anciens combattants

Face à eux, se sont élevés ce mercredi les partisans bourgeois de l’initiative. Car il y en a, même s’ils restent minoritaires, comme le président du PBD Martin Landolt (GL) et la présidente du Parti évangélique Marianne Streiff (BE), ainsi que nombre de vert’libéraux. Côté romand, ce sont surtout d’anciens combattants qui reprennent l’épée, comme le démocrate-chrétien Dominique de Buman (lire interview ci-après), Anne Seydoux-Christe (pdc, JU) ou Raphaël Comte (plr, NE), déçus que le parlement n’ait pas réussi à élaborer un contre-projet un peu plus étoffé. Car le dossier a connu une histoire parlementaire pour le moins mouvementée.

Soutenue par quelque 120 organisations non gouvernementales (ONG), l’initiative a été déposée il y a quatre ans. Elle veut imposer un devoir de diligence aux entreprises suisses actives à l’étranger en matière de respect des droits de l’homme et des normes environnementales. Concrètement, elle veut empêcher des scandales tels que la contamination d’une rivière au Tchad par des produits chimiques issus d’une installation pétrolière, le travail des enfants dans les mines d’or en Ouganda ou encore des cancers en masse au Brésil, liés à l’utilisation de pesticides interdits en Suisse.

Conscient du potentiel d’une telle initiative en votation populaire, le Conseil national choisit il y a deux ans de lui opposer un solide contre-projet indirect. Celui-ci a reçu de larges soutiens des milieux économiques, tout particulièrement en Suisse romande: le Groupement des entreprises multinationales, la Fédération des entreprises romandes, les grands acteurs du commerce de détail (Migros, Coop, Manor), ainsi que les milieux du textile.

La version light s’impose

Dans un premier temps, sous l’impulsion d’Economiesuisse et de Swissholdings, le Conseil fédéral et le Conseil des Etats ne veulent pas entendre parler de contre-projet. Le vent tourne il y a un an à l’initiative de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, qui comprend que la Suisse ne peut rester inactive dans ce domaine.

Son idée de s’aligner sur les réglementations européennes en la matière est reprise par le sénateur Beat Rieder (pdc, VS), comme contre-projet à l’initiative. S’ensuit un bras de fer entre les deux Chambres qui tourne à l’avantage de la version light défendue par le Conseil des Etats et le Conseil fédéral.

Ce contre-projet impose aux multinationales de pondre un rapport annuel sur leurs obligations en matière de respect des droits de l’homme et de l’environnement. Il inscrit aussi un devoir de diligence, mais limité à la question du travail des enfants et aux minerais provenant de zones de conflit.

Menace sur l’emploi

Pour Gerhard Pfister, c’est là la bonne approche: «Ce contre-projet met l’accent sur la transparence plutôt que sur les batailles juridiques. La menace des dégâts à la réputation oblige aussi les entreprises à agir.» Petra Gössi souligne, elle, que l’initiative n’épargne pas les PME et qu’elle constitue une menace pour les places de travail en Suisse: «Les hautes administrations des multinationales sont très mobiles et elles n’hésiteront pas trois fois avant de quitter la Suisse.»

Quant à Marco Chiesa, il voit dans cette initiative «une violation intolérable de la souveraineté d’autres pays». Selon le Tessinois, la Suisse ne doit pas «imposer sa morale à la terre entière et se substituer à la justice d’autres pays».

«Une violation intolérable de la souveraineté d’autres pays»
Marco Chiesa

Histoire de ne pas laisser le monopole du cœur aux initiants, les trois présidents de partis étaient accompagnés par la vert’libérale Isabelle Chevalley. La Vaudoise, elle, craint que cette initiative ne conduise à ce que les multinationales suisses se désengagent de pays sous l’œil des ONG, tels le Burkina Faso ou la Côte d’Ivoire, pour y laisser le champ libre à des concurrentes chinoises ou turques moins scrupuleuses.

Elle se demande encore comment l’initiative s’appliquera à des grandes puissances comme la Chine. Et de lancer: «Lorsque notre armée a acheté 18 millions de masques en Chine, s’est-elle assurée que les droits humains étaient respectés?»


«C’est une initiative libérale»

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