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Société

«Boulevard du village noir». un podcast pour «déconstruire le racisme par l’éducation»

Le podcast «Boulevard du village noir» retrace le passé sombre du boulevard Carl-Vogt à Genève


29 juin 2023 à 17:16

Racisme » Shyaka Kagame voulait juste «un express et un verre d’eau», insiste-t-il. Mais en ce soir de février 2020, il se fait violemment agresser par un client dans un bar de son quartier, spray au poivre et propos racistes à la clef («Tu es noir donc tu es un singe, tu veux des bananes»).

Quelque temps plus tard, il apprend que la discrimination raciale n’a pas été retenue dans sa plainte. C’est là que l’idée de partager son agression et ses démêlés judiciaires émerge. «Je n’ai jamais aimé mettre mon CV discriminatoire en avant pour démontrer l’existence du racisme. Mais le classement de ma plainte dépassait ma propre histoire», explique par téléphone le réalisateur genevois d’origine rwandaise.

«Le classement de ma plainte dépassait ma propre histoire»
Shyaka Kagame

«Inconscient colonial»

Le podcast Boulevard du village noir remonte le cours du temps sur le boulevard où habite Shyaka Kagame, le boulevard Carl-Vogt à Genève. Retracer l’histoire de ce bout de rue lui fait prendre conscience que le racisme est un «problème profond qui prend sa source dans un inconscient colonial qui nous habite encore parfois aujourd’hui». A commencer par le nom de la rue dédié à un naturaliste qui déforma la thèse darwiniste de l’évolution pour y apposer sa théorie de hiérarchie des races. Ce même boulevard accueille surtout le village nègre de l’Exposition nationale de 1896, auquel Shyaka Kagame consacre un épisode. Il s’étonne de n’en avoir jamais entendu parler auparavant: «Déconstruire le racisme passe par l’éducation. J’aurais aimé apprendre l’existence des exhibitions humaines à l’école.»

En cette fin du XIXe siècle, «la figure du populaire nègre occupe une place disproportionnellement importante dans les journaux et l’imaginaire collectif suisses», observe-t-il. Et les clichés – la pratique du cannibalisme par exemple – servent l’intérêt de la société occidentale, relève l’un de ses interlocuteurs: «Diaboliser l’autre permet de le détruire.» Cette image du Noir créée de toutes pièces par l’Occident flotte jusqu’à bien plus tard dans l’inconscient collectif. Dans un épisode, Shyaka Kagame fait parler ses parents qui avaient témoigné dans le magazine L’Hebdo en 1983. Une plongée intime dans sa famille sur ce que signifiait alors être Noir à Genève. Dans cet article, on apprend qu’au Buffet de la Gare, on ne sert plus d’alcool aux Noirs sous prétexte qu’ils «font trop de bagarres».

Racisme systémique

Boulevard du village noir fait davantage que ressortir un pan sombre de l’histoire de la Suisse. Richement étayé, le podcast interroge de façon prégnante la responsabilité de la société suisse dans le racisme systémique encore à l’œuvre aujourd’hui. «Il y a encore du travail à faire sur la déconstruction de notre histoire. Ne serait-ce que sur le quartier où j’ai grandi. Il y a cette croyance assez enracinée que notre pays n’était pas colonisateur, donc pas raciste. Nous sommes déconnectés de notre propre racisme, car nous avons l’impression que c’est un concept qui vient d’ailleurs», constate-t-il.

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