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Un pas de plus pour saisir Parkinson

L’EMPA a étudié la manière dont le cuivre modifie une protéine jouant un rôle dans la maladie

Les chercheurs de l’EMPA, Peter Nirmalraj, Olena Synhaivska et Silvia Campioni (de droite à gauche) ont progressé dans la compréhension de la maladie de Parkinson.

25 août 2022 à 18:00

Sciences » Le docteur Peter Nirmalraj ne flambe pas. Il ne parle pas d’avancée scientifique majeure. «Mais c’est un pas supplémentaire dans la recherche fondamentale», dit-il. Son équipe du laboratoire Transport at Nanoscale Interfaces (soit le transport à l’échelle nanométrique en français), à l’EMPA, a observé les formes anormales des protéines alpha-synucléine liées à une pollution environnementale par le cuivre, qui pourraient jouer un rôle important dans le développement de la maladie de Parkinson. Si le lien entre une exposition de longue durée à une importante quantité de ce métal et la pathologie est connu depuis longtemps, cette étude, réalisée en collaboration avec l’Université de Limerick en Irlande et l’Hôpital cantonal de Saint-Gall, aboutit à une meilleure compréhension de ses mécanismes.

Le travail des scientifiques de l’équipe du Dr Nirmalraj au sein du laboratoire Transport at Nanoscale Interfaces se concentre sur le thème de la bio détection et des surfaces fonctionnelles pour essayer de comprendre le fonctionnement de maladies neuro-dégénératives, comme la maladie de Parkinson, la plus fréquente après celle d’Alzheimer. «On sait jusqu’à présent que la maladie de Parkinson se caractérise par la mort de certaines cellules nerveuses dans le cerveau, ce qui entraîne une carence en dopamine, un neurotransmetteur», relève le Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (EMPA) dans son communiqué publié cet été. Tout en soulignant que les causes de la pathologie ne sont pas encore totalement élucidées. Interview du Dr Peter Nirmalraj, qui a commencé son travail sur les maladies dégénératives à l’Institut Adolphe Merkle, à Fribourg.

Quels sont les liens entre les maladies d’Alzheimer et de Parkinson?

Peter Nirmalraj: Toutes deux sont corrélées. Ce sont des maladies neuro-dégénératives progressant très lentement. Cela signifie que la pathologie est présente dix ou quinze ans avant même que les symptômes ne deviennent visibles. La maladie de Parkinson, particulièrement, est associée au cerveau en termes de désordre neuro-cognitif mais elle affecte la mobilité, en commençant normalement par un tremblement des mains, puis par une rigidité musculaire et d’autres incapacités cognitives. La maladie d’Alzheimer, en revanche, affecte principalement la mémoire. Les patients parkinsoniens peuvent avoir également des symptômes de l’alzheimer et inversement. Il y a une probabilité de co-pathologie, mais les molécules pathogènes de ces deux maladies sont différentes.

Votre recherche ne pourrait donc pas servir à la compréhension de la maladie d’Alzheimer…

Il y a quelques années, nous avons commencé par travailler sur la maladie d’Alzheimer. Cette recherche sur le sang des patients atteints par cette pathologie a été publiée l’année dernière. Nous avons étudié leur hémoglobine à différents stades de dégénérescence mémorielle et cognitive, en collaboration avec des neurologistes de l’Hôpital cantonal de Saint-Gall. Nous nous sommes concentrés sur les protéines qui pouvaient être utilisées comme biomarqueurs pour identifier la maladie assez tôt, avant même que les symptômes n’apparaissent.

«On sait jusqu’à présent que la maladie de Parkinson se caractérise par la mort de certaines cellules nerveuses dans le cerveau, ce qui entraîne une carence en dopamine, un neurotransmetteur»
Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (EMPA)

En parallèle, nous avons également observé d’autres protéines, comme l’alpha-synucléine, une des protéines impliquée dans la maladie de Parkinson. Nous voulions étudier son agrégation.

C’est précisément ce point qui est l’objet de l’étude dont le résultat a été publié cet été…

Cette protéine commence par former des monomères, des oligomères, puis finit par une forme fibrileuse. Nous avons pu étudier en laboratoire en condition in vitro, en l’espace de 10 jours ce qui normalement apparaît après 20 ou 30 ans. Ensuite, nous avons fait incuber l’alpha-synucléine avec des ions de cuivre, et nous avons examiné leur influence sur l’agrégation. Notre recherche n’est pas la première dans ce domaine, mais nous avons pu observer cette incubation avec un outil de très haute résolution, un microscope à force atomique capable de voir des objets de la taille de quelques nanomètres. Nous avons pu les étudier à température ambiante et dans les conditions du laboratoire.

Des éléments externes peuvent déclencher la maladie de Parkinson en plus des facteurs génétiques

Nous sommes tombés sur la preuve que le cuivre accélère l’agrégation et, plus important encore, qu’il déclenche une forme spécifique d’agrégats protéiques, les anneaux oligomères. C’était très surprenant. Beaucoup d’études ont été réalisées sur ces derniers mais nous avons enfin été capables de les voir et de les quantifier. Ces anneaux oligomères pourraient être la cible de thérapies potentielles. Nos données ont montré que ces structures sont uniques: notre recherche permet d’aller plus loin dans l’établissement d’un lien entre une importante exposition au cuivre est le déclenchement de certains éléments potentiellement toxiques pour le corps.

La comparaison avec le cancer, qui a aussi un composant génétique et un composant environnemental pouvant être un déclencheur, est intéressante. Si vous fumez, vous avez un risque plus élevé de développer un cancer des poumons. Une identification des carcinogènes potentiels existe. Mais si on parle de maladies comme celle de Parkinson et d’Alzheimer, il n’y a pas encore de claire compréhension des facteurs environnementaux pouvant favoriser la maladie. Moins de 50% des risques de souffrir de la maladie de Parkinson sont génétiques, c’est pourquoi beaucoup de gens travaillant dans les mines de cuivre ont développé précocement cette pathologie, même s’ils n’en avaient pas le composant génétique (lire ci-dessous).

Avez-vous assez de données pour trouver un traitement?

Les expériences que nous avons faites ne sont pas suffisantes. Nous avons besoin de les rapprocher de la recherche clinique. Nous aimerions étudier le sang et le liquide cérébrospinal de patients atteints de la maladie de Parkinson afin de voir s’il y a une correspondance entre l’agrégation de l’alpha-synucléine observée en conditions de laboratoire et leur agglomération à l’état naturel. Cela nous aiderait à mieux comprendre le rôle de l’agrégation dans la progression des maladies neuro-dégénératives.

«Nous avons besoin de les rapprocher de la recherche clinique»
Dr Peter Nirmalraj

Ensuite, les entreprises pharmaceutiques pourraient fabriquer des médicaments ciblant les déclencheurs de manière précoce, ce qui donnerait au patient de meilleures chances de retarder l’avancée de la maladie, car il n’existe pas de remède pour en guérir. Une fois que la maladie progresse à plein régime, il est difficile d’en inverser les effets.


«Aussi étudier l’impact des pesticides»

Outre dans les mines de cuivre, où peut-on trouver ce métal? En rencontre-t-on dans la nature? Dans l’eau? «Vous ne pouvez pas trouver d’importants dépôts de cuivre dans la nature, mais en revanche, il est possible d’y être confronté dans un cadre professionnel. Une personne manipulant de grandes quantités de cuivre devrait être sensibilisée à cette problématique. Ces questions doivent être étudiées avec attention. Notre intérêt est aussi d’approfondir l’étude de l’impact du cuivre sur la pathologie, mais aussi celui d’autres métaux et des pesticides, qui pourraient également avoir un effet déclencheur de la maladie de Parkinson», répond le docteur Peter Nirmalraj.

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