Logo

Société

Simon, en noir et blanc

Sociologue de formation, Simon Mocong est aussi et surtout artiste, investi dans le dialogue interculturel

Simon Mocong dans son atelier Farafin’Art, à Fribourg, où il s’emploie à exprimer l’imaginaire africain.

16 mai 2022 à 04:01

Culture » Sa palette est impressionnante. Et ce n’est donc pas un hasard si son exposition, visible jusqu’au 20 mai à la résidence bourgeoisiale Les Bonnesfontaines à Fribourg, porte le nom de Couleurs d’ailleurs. Ailleurs? Ici et là-bas. L’Afrique, surtout. Originaire de Guinée équatoriale, Simon Mocong, installé à Fribourg depuis plus de trente ans, a fait de l’art africain mais également du dialogue interculturel son étendard. Que ce sociologue de formation porte haut depuis plusieurs années à travers sa peinture et son atelier Farafin’Art. Sans oublier M.I.A Culture (Made in Africa), le portail afro en Suisse dont il a participé à la création, il y a vingt ans.

Simon, vous venez d’exposer vos œuvres dans un home. Bilan?

Cela s’est vraiment très bien passé! Les résidents avaient besoin de couleurs durant cette période de pandémie. Et ce que je fais est très coloré. C’est la première fois que j’expose dans une institution comme celle-ci, je ne savais pas à quoi m’attendre ni de quelle manière serait reçu mon travail. J’ai trouvé ce lieu d’exposition très pertinent sachant que, dans un futur proche, des générations d’Africains vivant à Fribourg résideront dans des homes. Cette ouverture et ce mélange de populations sont intéressantes. J’ai ainsi pu partager, avec un public totalement différent, ma passion pour l’esthétique africaine et les anges, ainsi que les esprits sur lesquels je travaille actuellement. J’utilise des matériaux bruts que je réinvestis dans un espace surréaliste.

Famille

Né le 10 février 1971 à Malabo, en Guinée équatoriale. A déménagé au gré des missions de son père, Carmelo, diplomate. A longtemps vécu à Madrid, en Espagne. Une sœur et un frère. S’installe en Suisse à la fin des années 1980. Marié à Clara. Deux enfants. Habite à Givisiez.

Formation

Scolarité et études à Madrid. Sociologie et journalisme. Travaille auprès de la Loterie romande.

Hobbies

La peinture. Atelier d’art Farafin’Art, à Fribourg.

Le métissage culturel et le partage de vos racines africaines sont vos moteurs. Vous avez notamment cofondé M.I.A-culture. Quel était le but?

Il s’agit d’un site web qui regroupe et partage les informations des communautés africaines avec la population suisse. Tout est parti du constat que nous sommes présents dans ce pays, nous nous intégrons, mais les gens ne nous connaissent pas vraiment en réalité et ignorent d’où nous venons. C’est donc à nous de nous présenter. Ce n’est pas la couleur sombre de la peau qui fait l’Afrique. Les mondes y sont différents d’un pays, d’une ethnie à l’autre. Mais le but était aussi de donner une autre visibilité aux communautés africaines, différente de celle qui prévalait à l’époque, notamment dans le compte rendu de faits divers ou autres. L’origine des auteurs de délits était mise en avant et nous, qui habitions aussi ce pays, ne nous reconnaissions pas forcément dans ce portrait et cette étiquette, même si c’est parfois aussi une réalité.

Pour quelles raisons ce dialogue interculturel est-il si important pour vous?

Je vis cela déjà dans ma vie personnelle car mes deux enfants sont métis dans tous les sens du terme. J’ai voulu qu’ils se sentent ici chez eux. Ils sont d’ici mais aussi d’Afrique. Et Espagnols puisque je le suis aussi. Je devais ouvrir cet espace pour que mes enfants, mais aussi les générations d’Africains que nous appelons aujourd’hui des Afropéens, puissent se représenter leurs racines. Le dialogue, la communion des cultures sont pour moi primordiales. C’est l’avenir.

Avez-vous personnellement souffert d’une absence de dialogue?

Non, j’ai eu de la chance, mais j’ai vu beaucoup de jeunes en souffrir, des amis aussi. Ce n’est pas du racisme pur, même si cela existe aussi, mais il s’agit plutôt d’une incompréhension, comme si on ne nous laissait jamais la place. M.I.A-Culture donne la voix à ceux qu’on n’entend pas. Car si on ne comprend pas l’autre, on ne peut pas lui donner une place.

Votre atelier s’appelle Farafin’Art. Qu’est-ce que ça signifie?

Cela veut dire L’art des peaux noires en langue bambara. Je l’ai créé en 2003. Mais cela existait déjà avant, car je signais mes peintures ainsi auparavant. C’est une démarche. Mon travail se traduit aussi bien par un retour aux sources d’un certain art tribal que par une approche de l’Afrique contemporaine.

«Si on ne comprend pas l’autre, on ne peut pas lui donner une place»
Simon Mocong

D’où vient cette fibre artistique? Vous me disiez que vos parents n’ont pas vu ça d’un très bon œil à vos débuts…

Dans ma famille, traditionnellement, les enfants ne font pas de l’art. Ça n’était pas perçu comme très utile. Je n’ai donc pas baigné dans un milieu artistique, même si mes parents m’ont toujours sensibilisé à l’esthétique et à la beauté. J’ai été appelé très tôt à vouloir exprimer l’imaginaire africain et j’ai à cœur de partager cela avec les non-initiés, qui n’ont pas tous les codes. J’ai commencé dans la rue, la nuit si possible (il rit), à dessiner sur les murs, à Madrid où j’ai grandi, en faisant du graffiti et du tag. Je pratiquais aussi le breakdance. C’était l’époque du street art. Bon, après je me suis calmé.

Et vous êtes passé à la peinture…

Le graffiti, c’était imposer son message, sa voix dans la rue qui nous appartient. C’est un credo, une façon de faire. J’ai sans doute un peu mûri depuis (il rit).


L’art africain dans la peau

«Cette bague a été faite par ma cousine par alliance. Elle a un talent fou! Elle porte un symbole Adinkra, propre à l’Afrique de l’ouest et très ancien. J’ai choisi le mien, qui signifie «Par dieu, je ne crains rien».

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus

Dans la même rubrique

Société

Edition 5.0. Innovation éditoriale: les systèmes transforment le paysage de l’information moderne

Dans l’univers dynamique de l’édition, les systèmes éditoriaux se distinguent en facilitant la collaboration, en optimisant la production grâce à l’automatisation, et en assurant une diffusion personnalisée et sécurisée. Ces outils, en constante évolution, s’imposent comme des partenaires essentiels pour répondre aux défis toujours plus diversifiés du secteur de l’information contemporain.