Enfants et écrans, le grand danger

Vie numérique (3/4) » Nouvelle année, nouvelles résolutions: l’occasion de prendre meilleur soin de cette vie numérique qui nous augmente et nous asservit. Troisième volet, les enfants face aux écrans.

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«Ce que nous faisons subir à nos enfants est inexcusable. Jamais sans doute, dans l’histoire de l’humanité, une telle expérience de décérébration n’avait été conduite à aussi grande échelle». C’est par ce constat alarmant que Michel Desmurget a relancé le débat, depuis la publication de La fabrique du crétin digital, les dangers des écrans pour nos enfants, fin 2019. Au-delà du titre provocateur de l’ouvrage, les résultats scientifiques recensés plaident très clairement pour une remise en question urgente de la place accordée aux ordinateurs, tablettes, smartphones et à internet à l’école. Interview.

Vous êtes docteur en neurosciences et directeur de recherches à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, à Lyon. Quelle est votre spécialité?

Michel Desmurget: Je m’occupe de recherches médicales dans un laboratoire de sciences cognitives. Je travaille sur la plasticité cérébrale, pour mieux comprendre comment le cerveau lésé se réorganise. Par extension, je travaille sur le fonctionnement du cerveau en général, y compris non atteint ou non blessé. D’où mon intérêt pour les écrans et la façon dont ils affectent le développement intellectuel des enfants.

Votre ouvrage propose une synthèse des recherches scientifiques sur les rapports entre usages des écrans numériques et capacités d’apprentissage. Il est riche de plus de 1000 références…

J’ai pris les recherches qui me paraissaient les plus pertinentes et les mieux conduites, parmi les milliers de travaux publiés depuis 50 ans au niveau international. J’en avais assez qu’on me dise qu’il n’y a pas d’études sur la question. Je les mentionne, comme ça le lecteur pourra aller vérifier par lui-même la réalité des éléments avancés.

6h45
En moyenne, le temps d’exposition quotidien aux écrans chez les 13 à 18 ans

Quels sont les principaux constats?

Ils sont plutôt sombres. Bien sûr, on ne peut nier les apports positifs du numérique en de nombreux domaines. Mais ce n’est pas vers ces apports que se tournent les jeunes générations. Elles se concentrent sur les contenus récréatifs: 6 h 45 par jour en moyenne pour les 13 à 18 ans, c’est extravagant! Et c’est au détriment d’activités beaucoup plus nourrissantes pour le développement. Langage, capacité de concentration, mémorisation, assimilation des connaissances… tous les piliers qui fondent l’intelligence humaine sont affectés par les écrans. Pas étonnant: ce qui serait miraculeux, c’est que les temps d’exposition aux écrans n’aient aucun effet! Les résultats d’études dans les pays nordiques, en Angleterre, en Allemagne, en France… confirment cette tendance à la baisse. Elle ne s’explique pas seulement par le temps d’exposition aux écrans… mais les écrans y contribuent.

Les médias suisses viennent de relayer les résultats d’une étude confirmant que les enfants exposés à des écrans le matin risquent davantage d’être affectés par des troubles du langage…

C’est une recherche parmi plein d’autres. Elle souligne que le matin avant l’école représente un moment d’interaction privilégié des enfants avec leurs parents. C’est aussi un moment de calme nécessaire. Le cerveau de l’enfant n’est pas fait pour encaisser un bombardement continu de stimulations visuelles et sonores. A court terme, cela le fatigue. A long terme, cela nuit à sa construction, notamment dans le champ attentionnel. Par exemple, chez des enfants de maternelle, même l’exposition à une animation TV de 9 minutes, comme Bob l’éponge, altère déjà la concentration, augmente l’impulsivité et dégrade le fonctionnement cognitif.

«Avant 6 ans, l’idéal c’est zéro exposition.»