Santé » Ce n’est un secret pour personne: émotion rime avec alimentation. Alors, lorsque le quotidien est angoissant, certains se mettent à manger encore moins, d’autres encore plus. Depuis quelques mois, les services spécialisés dans la prise en charge et le traitement de l’anorexie mentale, de la boulimie et de l’obésité notent une augmentation du nombre de cas et une aggravation de la situation des patients.
«C’est difficile de donner des chiffres, car c’est une situation en développement. Mais je dirais que nous avons doublé le temps d’attente dans l’ambulatoire comme dans l’hospitalier. Et vous savez, quand une personne est en souffrance, c’est très difficile de devoir attendre…» Pour Sandra Gebhard, médecin-cheffe au Centre vaudois anorexie boulimie (abC), cela ne fait aucun doute: la pandémie de Covid-19 a eu un impact délétère sur les personnes susceptibles de développer des troubles alimentaires. Et cela se traduit par un nombre accru de patients à la recherche d’aide.
Mauvaises habitudes
L’augmentation se fait également ressentir de l’autre côté du spectre, avec davantage de personnes s’adressant en raison de leur obésité au Service d’endocrinologie, diabétologie et métabolisme du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). La pandémie joue ici également un rôle, bien qu’un peu différemment. «Je pense que beaucoup de personnes souffrant d’obésité ne se considéraient pas comme malades. Le Covid-19 étant plus dangereux pour cette population, cela leur a révélé leur vulnérabilité générale et les a poussées à chercher de l’aide», note Lucie Favre, médecin cadre et responsable du service.
La tendance semble être la même dans tous les pays industrialisés. Dans les dernières semaines, des articles de presse en France et aux Etats-Unis témoignaient ainsi de l’augmentation drastique des cas d’anorexie mentale chez les adolescentes et les jeunes femmes. Dans le canton de Fribourg, l’augmentation est moins visible – «quelques hospitalisations ces derniers mois», d’après Anne-Catherine Barras-Moret, médecin adjointe en médecine interne et au Centre métabolique de l’Hôpital fribourgeois (HFR) –, mais cela tient probablement à des raisons structurelles, les cas les plus graves d’anorexie mentale étant généralement traités hors canton. Quant à la question de l’obésité, ce n’est peut-être qu’une question de temps dans le canton: «Il est probable que des personnes à risques aient adopté de mauvaises habitudes durant la dernière année et que le problème apparaisse dans quelques mois ou années seulement», relève Christina Lyko, cheffe de clinique dans le même centre.
Peur de l’infection
Pour tous les médecins contactés, l’impact de la pandémie est clair et généralement dramatique. Aussi bien Lucie Favre que Christina Lyko ont remarqué d’importantes prises de poids chez leurs patients. Pour Sandra Gebhard et Anne-Catherine Barras-Moret, c’était l’inverse: des kilos qui disparaissent. De toutes, Christina Lyko est peut-être la plus inquiète: «La situation est si grave et leur état mental s’est tellement dégradé que j’ai plusieurs patients qui témoignent désormais de pensées suicidaires.»