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Histoire vivante

Histoire vivante. Quand les Suisses criaient misère

Si la population suisse est aujourd’hui la plus riche du monde par habitant, elle a connu au XIXe siècle des temps très difficiles, dont plusieurs crises économiques et des disettes, qui ont poussé de nombreux habitants à émigrer.

Une famille affamée attend le père qui rentre avec de la nourriture. Gravure tirée de la feuille de Nouvel-An de 1817 de la Société de secours zurichoise. © DR

8 février 2024 à 20:05

Temps de lecture : 1 min

«Quand je suis entré dans la hutte, j’ai eu un sentiment d’écœurement. Dans la petite pièce se trouvaient huit personnes vêtues de haillons crasseux, déchirés et effilochés, qui ne leur tenaient presque plus au corps. Dans un berceau reposait un bébé, conçu par un cadavre et mis au monde par un cadavre. Il gisait comme mort dans des lambeaux de tissus, pâle, inanimé, sans souci apparent des parents. Tous avaient l’air d’avoir été sortis d’une tombe, le plus misérable étant le père de l’enfant, famélique, les yeux enfoncés, les joues creusées et une toux annonçant une mort proche.»

Cette scène poignante n’émane pas des terribles famines de Chine, d’Union soviétique, du Biafra ou d’Ethiopie, mais a été observée dans le canton de Glaris. Elle a été relatée par le pasteur saint-gallois Peter Scheitlin1 qui, en 1816, a rendu visite aux miséreux du nord-est de la Suisse. C’était durant cette fatidique «année sans été», qui a touché tout l’hémisphère Nord. Les conditions météorologiques avaient été dramatiques, avec des chutes de neige en plein mois d’août. Elles avaient été causées par un phénomène naturel hors normes: l’éruption, en avril 1815, du volcan Tambora sur l’île de Sumbawa, à l’est de Java (Indonésie).

Grave disette

Tandis que l’onde de choc de l’explosion volcanique, suivie de coulées pyroclastiques et de raz-de-marée, faisait près de 100 000 morts dans la région, les cendres propulsées dans l’atmosphère provoquaient une sorte d’«hiver nucléaire» sur l’Europe. Le refroidissement climatique et les précipitations abondantes perturbèrent durablement les récoltes, entraînant une grave crise alimentaire et d’insupportables hausses des prix.

Pour tenter de survivre, les plus pauvres en furent réduits à grappiller quelques tubercules dans les champs. «Le foin et les herbes fraîches étaient pour nombre d’entre eux la nourriture quotidienne. Même une charogne putride ne décourageait pas les affamés», rapporte le pasteur Scheitlin. Les pauvres hères, précise-t-il, «fouillaient par dizaines dans les rues et les ruelles, sur des tas de fumier dégoûtants, avalant goulûment les plus misérables parcelles de nourriture, pelures de pommes de terre ou carottes en décomposition».

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