Logo

Histoire vivante

La croyance en la Terre plate au Moyen Age est une invention tardive

Contrairement à un préjugé largement répandu, le Moyen Age a toujours su que la Terre était ronde. La croyance en la Terre plate est une idée fausse, développée aux XVIIIe et XIXe siècles pour affermir le triomphe de la modernité face à un soi-disant «obscurantisme moyenâgeux».

Des astronomes observent la Terre sphérique. Une enluminure médiévale de 1470 environ, ornant le manuscrit De proprietatibus rerum (Livre des propriétés des choses) du franciscain Barthélemy l’Anglais. Ci-dessous, enluminure de la Terre sphérique dans L’Image du monde de Gautier de Metz (vers 1246). © BNF/DR

14 décembre 2023 à 23:30

Sciences » Un lieu commun veut qu’au Moyen Age, on croyait que la Terre était plate et qu’il a fallu attendre les explorateurs Colomb et Magellan et les astronomes modernes Copernic et Galilée pour comprendre qu’elle était ronde. Cette idée fausse, qui permettait d’affermir le triomphe de la modernité face à un soi-disant «obscurantisme moyenâgeux», s’est répandue aux XVIIIe et XIXe siècles et est restée vivace jusqu’à nos jours.

Constatant que des enseignants, journalistes, politiques et même «éminents chercheurs» véhiculaient encore aujourd’hui, «par ignorance ou par confort», cette théorie d’une croyance médiévale en la platitude de la Terre, la professeure d’histoire des savoirs Violaine Giacomotto-Charra et la chercheuse en histoire et philosophie des sciences Sylvie Nony ont entrepris de casser le mythe. «De petits sondages pratiqués auprès d’étudiants nous ont permis de prendre la mesure de l’emprise de ce lieu commun: les deux tiers à trois quarts des étudiants y croient», observent-elles dans La Terre plate (voir couverture ci-dessous), un ouvrage bien vulgarisé sur la question. Avant elles, d’autres scientifiques se sont essayés à pareille démythification, à commencer par le médiéviste américain Jeffrey Burton Russell récemment décédé. Dans L’invention de la Terre plate (1991), il démontait la «légende noire» du Moyen Age chrétien.

1 - La Terre est ronde depuis l’Antiquité

Contrairement à ce qu’on peut lire parfois, la connaissance des théories de l’Antiquité ne s’est pas perdue à travers les siècles, l’astronomie a continué de se consolider sur les bases grecques et a été complétée par l’apport arabe et les observations propres au monde européen. Au Moyen Age, «la sphéricité était bien la doctrine officielle enseignée dans les universités et n’était pas condamnée par l’Eglise», soulignent les deux spécialistes, précisant que cette connaissance était aussi utilisée hors des sphères académiques.

«Les deux tiers à trois quarts des étudiants y croient»
Violaine Giacomotto-Charra et Sylvie Nony

Pour les deux grands penseurs de l’Antiquité Platon (428-348 av. J.-C.) et Aristote (384-322 av. J.-C.), la Terre était déjà ronde et se situait au centre du monde, notre univers. Aristote, qui se moque volontiers des anciens adeptes de la Terre plate, estime que la Terre doit être «nécessairement» sphérique en raison de la pesanteur. Il le démontre aussi par l’observation de l’éclipse de Lune: «C’est la circonférence de la Terre qui, étant sphérique, est la cause de cette figure», explique-t-il dans son Traité du ciel. Un siècle plus tard, le mathématicien Eratosthène, considéré comme l’inventeur de la géographie, calcule la circonférence de la Terre, obtenant un résultat assez proche de sa valeur réelle (40'000 km).

2 - Une circulation des savoirs ininterrompue

Ces découvertes seront abondamment commentées par de nombreux astronomes et géographes durant les cinq siècles suivants, en particulier par Hipparque, Strabon, Cléomède et Ptolémée. Tous ne s’entendent pas sur la taille de la partie habitée de la Terre (l’œkoumène), mais tous partagent l’opinion que la Terre est sphérique. Pour cela, ils peuvent aussi s’appuyer sur d’autres constatations, comme la variation de l’élévation des astres et de l’étoile Polaire en fonction du lieu d’observation, ou le fait que les marins rentrant au port voient apparaître les montagnes élevées avant de découvrir la côte. Les récits des explorateurs, comme ceux du navigateur marseillais Pythéas, viennent renforcer leurs convictions.

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus