Logo

Nature

Cinq idées reçues sur le corbeau

Accusé de piller nos cultures, l’oiseau noir est cependant inspirant par son intelligence

60% des colonies de corbeaux freux sont urbaines, mais elles parcourent jusqu’à 10 km par jour pour rejoindre la campagne où elles se nourrissent de céréales, de plantons de salades et d’invertébrés.

14 juillet 2022 à 04:01

Nature (4/6) » Victimes de leur mauvaise réputation, plusieurs animaux subissent notre courroux. Or, les crimes dont on les accuse sont exagérés, voire carrément infondés. Quatrième volet avec le corbeau.

1 » Un oiseau de malheur?

Faux évidemment! Mais force est de constater qu’à l’évocation du mot «corbeau», beaucoup imaginent d’entrée un oiseau noir juché sur l’épaule d’une sorcière ou une nuée de volatiles sombres se jetant sur une victime pour lui crever les yeux. Merci à Hitchcock et consorts d’entretenir cette image horrifique qui colle aux plumes du corvidé depuis le Moyen Age. C’est à cette époque qu’il s’est vu associé au malheur en Europe: en tant que charognard occasionnel, il lui arrivait en effet de picorer les cadavres qui gisaient au sol lors des guerres, révolutions, famines ou maladies. Un acte vite taxé de maléfique par la religion.

2 » Un volatile voleur?

La réputation du corbeau freux pâtit des larcins de sa cousine la corneille noire, à qui il ressemble beaucoup hormis son bec gris, pointu et à la base dégarnie. C’est cette coquine qui perce les poubelles, dérobe le plus souvent les œufs des passereaux et pille les récoltes. Il est vrai qu’il s’associe à elle pour picorer dans les champs. Leurs ravages restent toutefois minimes. Une étude de 2006 estime les dégâts entre 0,6 et 1% de la valeur totale du maïs du canton de Berne. Concentrées sur quelques parcelles, les pertes peuvent bien sûr se révéler considérables pour un agriculteur. Ce qui n’est pas chiffrable, c’est l’aide que ces deux corvidés apportent aux cultures en dévorant les campagnols, limaces et insectes ravageurs.

3 » Agressif envers les humains?

Faux! Le corbeau freux est un animal pacifique et timide qui s’approche rarement à moins de 10 mètres d’un bipède, contrairement à la corneille, plus téméraire. Mais ni l’un ni l’autre n’attaquerait un être humain, sauf pour défendre sa progéniture en cas de menace près du nid. Qui pourrait leur reprocher d’être de bons parents? Il est toutefois arrivé que des corvidés élevés en captivité, puis relâchés, se montrent un peu trop familiers avec les badauds pour obtenir de la nourriture. Ils n’ont tout simplement pas appris à se comporter comme des animaux sauvages.

4 » Un animal bruyant?

Oui, Maître Corbeau adore causer. La communication acoustique joue un rôle important chez cette espèce intelligente qui tisse de forts liens sociaux. Son répertoire compte une quinzaine de cris fréquents et une trentaine plus rares, auxquels s’ajoutent des inédits. Tous ayant leur signification propre. Et puis, les freux chantent parfois! En ville, ces croassements peuvent déranger les voisins directs d’une colonie, surtout le matin et le soir à partir de mai, lorsque les parents nourrissent leurs petits. Pourtant les mesures de volume sonore montrent que ces cris sont moins bruyants que le trafic routier: de 60 à 75 décibels contre 80 à 90. Or, on s’offusque moins des nuisances artificielles. Tout est question de perception et de tolérance.

5 » Une créature salissante?

Cette critique vise les souillures occasionnées par les fientes du corvidé. Ne transmettant aucune maladie, elles ne posent pas de problème, sauf lorsqu’une colonie niche au-dessus d’un chemin fréquenté, une place de jeux ou un arrêt de bus. Rien d’autre à faire que de nettoyer régulièrement ou de placer un avant-toit le temps que le pouponnage s’achève. Les corbeaux et leurs nids sont en effet protégés durant la reproduction, qui s’étend du 16 février au 31 juillet. Et si, au lieu de nous énerver, nous en profitions pour découvrir leur riche vie de famille? Une webcam placée près du nid peut par exemple constituer un projet didactique génial permettant de changer d’opinion sur cet oiseau étonnant.


Trois questions à Livio Rey

biologiste et porte-parole de la Station ornithologique suisse de Sempach

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus