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Monde

Retour réussi de l’ours dans les Asturies

Quelque 370 plantigrades vivent aujourd’hui dans le nord-ouest de l’Espagne. Une expansion exemplaire due notamment à la bonne cohabitation entre l’animal sauvage le plus imposant de la péninsule Ibérique et les habitants de la région. Reportage

L’ours s’est bien implanté dans les Asturies, au point qu’il compte 370 individus qui ne semblent pas poser de gros problèmes à la population. © Photo Fondation Oso Pardo

25 novembre 2023 à 12:10

Espagne » Ce matin d’automne, alors que les premières gelées ont blanchi la campagne des Asturies, dans le nord-ouest de l’Espagne, Maxi se dirige vers son «cortin», un rucher entouré d’un mur de pierre circulaire situé en bordure de la forêt de Muniellos, une réserve de la biosphère. Ce sont une trentaine de ruches que la famille se transmet de père en fils depuis des générations. «C’est ici que mon grand-oncle a tué un ours, c’était dans les années 60, il n’en pouvait plus de voir comment il mangeait tout son miel et on pouvait encore le chasser de façon furtive à l’époque», raconte Maxi, un grand gaillard de 1,90 m.

Six décennies plus tard, le parc naturel de Muniellos tout comme l’ensemble de la cordillère cantabrique est un espace naturel protégé avec des corridors aménagés pour connecter les deux grandes poches de population d’ursidés. La chasse y est totalement interdite et tuer un ours est passible d’une peine de 5 ans de prison et 30 mille euros d’amende.

Résultat: le plantigrade a vu sa population se multiplier par 5 en 25 ans et la région compte désormais pas moins de 370 ours. Une expansion exemplaire due notamment à la bonne cohabitation entre l’animal sauvage le plus imposant de la péninsule Ibérique et les habitants de la région, comme le rappelle Guillermo Palomero, président de la Fundacion Oso Pardo (Fondation Ours brun), une ONG créée en 1992 pour protéger les plantigrades:

«Depuis les années 90, les ONG et l’administration locale ont mis en place une politique de sensibilisation à travers des campagnes environnementales dans les écoles et pour que les gens acceptent la présence de l’ours sur le territoire. Sans le soutien de la population urbaine mais surtout rurale dans le processus de la conservation, il est très difficile que les espèces animales survivent dans le milieu naturel et la grande chance que nous avons, c‘est que nous les Asturiens on veut avoir des ours dans nos montagnes.»

1500 clôtures électriques

Les ONG ont distribué plus de 1500 clôtures électriques pour protéger les ruchers et vergers. Quant au bétail, l’ours attaque que très rarement les élevages, car ici, il y a très peu de troupeaux de moutons ou de chèvres. «Dans notre coin, seul un poulain a été tué par l’ours, il respecte en général le gros bétail. Par contre, on a dû renforcer la clôture de notre rucher, car il avait réussi à creuser un tunnel et pénétrer au milieu des ruches et en a dévoré une», explique Maxi photo à l’appui.

La coexistence entre l’ours et les hommes est prise très au sérieux par les autorités des Asturies. «On ne peut pas se permettre que l’ours se rapproche de trop près des villages. Il est un animal craintif mais il peut toujours y avoir un danger surtout l’été lorsque le nombre de touristes s’accroît et que l’ours ose s’aventurer dans les vergers à la recherche de fruits», explique Guillermo Palomero, lequel souligne qu’en 40 ans, il n’y a eu qu’un seul accident entre un ours et une personne âgée qui a été blessée par l’animal.

Loin d’être une menace, l’ours est devenu au fil des ans un atout touristique

Pour éviter ce genre de rencontres malheureuses, les ONG interviennent avec l’aide des gardes forestiers pour effrayer les ours les plus curieux en lançant des pétards ou en leur tirant dans le postérieur des balles en caoutchouc. «Il n’est pas rare de croiser l’ours au petit matin ou à la tombée de la nuit. Moi, j’ai vu deux fois cet été des ours. La première fois, c’était sur un chemin, il était en train de grimper sur un rocher et l’autre fois c’était dans les pommiers de ma grand-mère à l’aube», s’exclame Maxi.

Dans les cafés du lieu-dit de Ventanueva, les anecdotes sur les ours sont nombreuses. Ici, tous les habitants ont croisé au moins une fois un ours au cours des dernières années. «Les gens viennent de loin pour le voir d’Allemagne, de Suisse et même d’Angleterre!» assure Salomé qui tient le café-épicerie la Bruxia de Muniellos.

Car loin d’être une menace, l’ours est devenu au fil des ans un atout touristique et économique pour les Asturies. Près de 200 000 personnes viennent chaque été dans la région de Proaza pour parcourir la senda del oso, le chemin de l’ours, une ancienne voie ferrée pour acheminer le charbon transformée en piste cyclable. Il existe le musée de l’ours et le refuge naturel de Paca et Molina, deux oursonnes rescapées qui vivent en semi-liberté et qui sont devenues les coqueluches des écoliers de la région.

Un souci: le climat

Aujourd’hui, la seule menace qui pèse sur les ours mais aussi sur les autres animaux sauvages comme le loup, est le changement climatique dont les conséquences peuvent affecter son habitat. Selon Guillermo Palomero, le principal danger réside dans l’extension des feux de forêts géants et incontrôlables, comme ce fut le cas au printemps dernier. «Cela peut entraîner des déplacements forcés de population d’ours et sa mort s’il est pris entre les flammes», s’inquiète le biologiste.

Une des autres conséquences du réchauffement est la réduction, voire l’absence du temps d’hibernation, pouvant avoir un impact sur l’alimentation, car l’ours est obligé dès lors de se nourrir durant l’hiver. Or, son régime alimentaire risque également d’être perturbé par les modifications climatiques. Les cassis sauvages et les baies, qui constituent 90% de son alimentation, sont affectés par le manque de précipitation tout comme certains arbres produisant des glands comme les châtaigniers.

Mais d’autres arbres tels que les chênes à glands prolifèrent avec les températures plus douces et offrent une nouvelle variété pour les ours. «Les animaux vont devoir s’adapter tout comme nous au changement climatique et c’est possible qu’ils y arrivent mieux que les humains», assure le biologiste confiant.

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