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Scènes

Portrait. les mots cachés de Yasmine Hugonnet

Année riche pour la chorégraphe vaudoise Yasmine Hugonnet qui reçoit un Prix suisse de danse 2022 et crée à Vidy Les porte-voix

Il y a du dynamisme chez Yasmine Hugonnet, qui avoue avoir beaucoup voyagé et avoir tiré de ses pérégrinations un bel enseignement.

4 novembre 2022 à 16:48

Portrait » On s’était demandé ce que pouvait bien signifier La peau de l’espace, pièce chorégraphique que Yasmine Hugonnet créait et interprétait en 2021. Avant d’aller voir ce spectacle au titre cosmique, on imaginait donc une réflexion sur l’au-delà, dans le meilleur des cas; et dans le pire, un propos boursouflé sur la détérioration de la couche d’ozone et sur le changement climatique. Surprise: rien de tout cela dans ce solo, aussi atypique qu’envoûtant, pour lequel la danseuse et chorégraphe vaudoise recevait le 21 octobre dernier un Prix suisse de danse 2022. «La peau» du titre est la sienne, la nôtre, celle qui frôle l’air, ou si l’on préfère l’espace vide, lorsque nous nous déplaçons ou gesticulons. Vous y pensez, vous, à chacun de vos mouvements? Moi, pas. Pour rendre donc ce frôlement tangible, Yasmine Hugonnet va le commenter avec des mots, l’expliquer. Son solo dansé est parlant. Elle y raconte, entre autres, l’expérience de l’astronaute américain Musgrave, dont le corps flotte dans l’espace. L’homme a l’impression qu’il n’existe plus, et cela lui procure une immense sensation de liberté.

Vous y pensez, vous, à chacun de vos mouvements? Moi, pas

Chagall, qui n’était pas astronaute, avait depuis longtemps compris la fascination que peut exercer sur le public des corps en apesanteur. Et Yasmine Hugonnet, qui n’est pas Chagall, sait néanmoins que la danse est une question de postures. Elle a d’ailleurs consacré à celles-ci un récital (Le Récital des postures, 2014). Seule en scène là aussi, elle pliait et dépliait son corps, réservoir de vibrations qui, tel un instrument de musique, libérait dans l’espace ses mouvements.

Un coup violent

«Arts mouvementés» s’appelle sa compagnie. On pourrait y ajouter «pensées mouvementées», tant la réflexion de Yasmine Hugonnet est dense. Un déferlement d’idées maîtrisé par des chorégraphies à l’architecture soignée. On peut s’amuser à réunir en une phrase quelques titres de ses pièces, reflet d’un appétit robuste et délicat à la fois: faire La traversée des langues, c’est écouter Les porte-voix, c’est Se sentir vivant… Il y a du dynamisme chez celle qui avoue avoir beaucoup voyagé et avoir tiré de ses pérégrinations un bel enseignement. Dans le désordre: les Etats-Unis, les Pays-Bas, l’Afrique, Taïwan et Paris bien sûr, passage obligé pour une artiste francophone si elle a envie de rayonner. Au Conservatoire national supérieur en danse contemporaine, elle entre donc à la fin des années 90. Trois ans de formation, un 3e prix de danse mais pas de diplôme.

«J’ai été éjectée parce que j’avais fait un pas hors du Conservatoire, par besoin de création»
Yasmine Hugonnet

«J’ai été éjectée parce que j’avais fait un pas hors du Conservatoire, par besoin de création. J’ai monté une pièce et l’on m’a dit: tu as voulu fonctionner sans l’institution, eh bien, tu vas continuer sans elle! J’ai donc perdu des possibilités de perfectionnement. Le coup était violent, mais il a stimulé mon envie d’indépendance. Je suis partie à Taïwan, j’avais un projet, j’ai fini par travailler là-bas avec des non-voyants», confie-t-elle.

Une expérience intéressante et une période riche en projets, avec la création, en ce début des années 2000, du collectif Synalèphe. «Je l’ai fondé avec un ami. Nous avions à ce moment-là un credo: monter des pièces dans divers pays en travaillant avec les populations locales. Nous voulions un rapport différent aux gens, à la création, des échanges interculturels plus solides.» Prendre du temps dans chaque pays, éviter la névrose des tournées! «Nos proches s’inquiétaient. Mais vous êtes fous, nous disait-on, vous allez vous perdre, plus personne ne croira en vous!»

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