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Scènes

«Erwin Motor, dévotion», une pièce qui interroge le sens du travail

Patric Reves et Nicolas Müller mettent en scène une pièce sur le sens du travail, Erwin Motor, dévotion

Les costumes et les décors sont issus du recyclage.

11 janvier 2023 à 13:41

Nuithonie » La scène fribourgeoise bouillonne: en accompagnant cette saison les premiers pas de plusieurs nouvelles et jeunes compagnies, Nuithonie prend la mesure de cette créativité qui explose. La pièce à l’affiche à partir de mardi prochain, Erwin Motor, dévotion, est précisément la première proposition institutionnelle défendue par Patric Reves et Nicolas Müller au nom de la compagnie Acide bénéfique. Signée d’une auteure contemporaine française, Magali Mougel, elle vise droit les préoccupations actuelles, celles qui touchent au sens du travail.

«L’auteure joue sur l’ambiguïté»
Nicolas Müller

Magali Mougel est aussi connue pour son engagement féministe: son regard sur le monde du travail avec un point de vue féminin promet des remises en question. Sans être exclusif: «L’auteure donne un exemple de dévotion au travail. Cette dévotion peut aussi être masculine, nuance Nicolas Müller. En tant qu’hommes, nous sommes aussi confrontés à ce thème-là.» La légitimité pour eux de s’emparer d’un tel texte a aussi passé par des discussions collectives, complète Patric Reves. Les deux comédiens jouent dans la distribution aux côtés de Jacqueline Corpataux et Juliette Vernerey, tout en mettant le spectacle en scène.

Sacrifice

Nicolas Müller connaissait l’écriture de Magali Mougel, pour avoir abordé l’une de ses pièces durant son cursus. La première lecture d’Erwin Motor, dévotion l’a particulièrement touché parce que sa propre grand-mère a été ouvrière et a travaillé en usine, comme le personnage principal, Cécile Volanges. Mais la comparaison de la réalité française et de la réalité suisse du marché du travail s’arrête là, précise-t-il, le type d’emploi peu qualifié et «très répétitif» décrit dans la pièce étant peut-être plus rare dans notre pays. Ce qui n’empêche pas la réflexion d’être pertinente et universelle: il s’agit davantage pour l’auteure de questionner le discours sur le travail que le travail lui-même.

Il s’agit davantage pour l’auteure de questionner le discours sur le travail que le travail lui-même

C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre la référence au roman épistolaire Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. De personnage dominé, Cécile Volanges passe au premier plan, au centre d’une pièce qui lui permet de reprendre son destin en main, explique Nicolas Müller. La «perversion du rapport amoureux» du modèle sert à mettre en lumière la «perversion du rapport professionnel», les contradictions et les tensions liées à l’activité salariée. Erwin Motor, dévotion met en particulier le doigt sur «le sentiment d’estime de soi» qui passe par la réussite, «l’accomplissement personnel lié à l’activité professionnelle», mais surtout «la dévotion et le sacrifice au travail» poussés à l’extrême. «Nous avons lu cette pièce en période de fermeture, alors que notre activité s’était arrêtée: nous nous sommes demandé comment et dans quelles conditions nous voulions reprendre», précise Patric Reves. La pièce était exactement dans le tir. «Cécile Volanges s’investit corps et âme dans son activité. Elle se situe dans une zone de frottement que nous trouvions intéressante.»

Implicites

Comment se fait-il par exemple qu’il est admis qu’un employé doive faire davantage que son cahier des charges? Que les heures supplémentaires sont la norme, même si elles ne sont pas compensées ni payées? Comment peut-on effectivement ressentir un certain plaisir, voire une fierté à tenir de longues journées harassantes? Mais à quel prix? Ces implicites apparaissent au travers de la relation de Cécile Volanges à son contremaître, à la directrice de l’usine de sous-traitance automobile et à son mari. La pièce éclaire également des problématiques spécifiquement féminines, comme les inégalités, le harcèlement, l’émancipation des femmes via leur accès au monde du travail, mais aussi les violences conjugales.

Elle le fait dans une langue «très rythmée», «avec des suspensions», qui ont représenté un défi pour les interprètes et les metteurs en scène. «Magali Mougel joue sur l’ambiguïté, souligne Nicolas Müller. Une grosse part de notre travail, c’est de rendre cette ambiguïté sans l’éclaircir. Ce serait plus facile de prendre parti, mais nous avons voulu garder cette finesse.»

Une charte

Patric Reves et Nicolas Müller sont tous deux passés par la classe préprofessionnelle de théâtre dirigée par Yann Pugin au Conservatoire de Fribourg. Ils ont ensuite poursuivi leur formation à l’Insas (Institut national supérieur des arts du spectacle) de Bruxelles. Ils ont malgré eux réussi à profiter de la crise pandémique pour réfléchir à leur pratique et définir une «charte».

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