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Culture

Exposition. les oeuvres d’Edouard Vuillard inspirées de l’art japonais

A Lausanne, la Fondation de l’Hermitage montre comment l’art du Japon a stimulé et inspiré le travail d’Edouard Vuillard. Une visite passionnante


7 juillet 2023 à 18:08

Beaux-arts » Ils ont été nombreux en Occident – peintres, écrivains, musiciens, architectes ou marchands d’art – à se trouver subjugués par l’art japonais dès que l’Empire du Soleil-Levant a commencé à s’ouvrir au reste du monde, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. Edouard Manet, Claude Monet, Vincent Van Gogh, Paul Gauguin, Pierre Loti, Edmond et Jules de Goncourt, Giacomo Puccini, Claude Debussy, Frank Lloyd Wright et tant d’autres ont trouvé dans la culture japonaise, si différente de nos codes occidentaux, une nouvelle et puissante source d’inspiration et de collection. Parmi eux, le peintre Edouard Vuillard (1868-1940), l’un des piliers du mouvement Nabi, s’est trouvé particulièrement marqué par l’art japonais. Partant d’un petit tableau de lui qu’elle possède – La Maison de Roussel à la montagne (vers 1900) –, la Fondation de l’Hermitage, à Lausanne, présente jusqu’à la fin octobre Vuillard et l’art du Japon.

L’institution soumet ici une passionnante étude du travail de l’artiste français qui, entre 1890 et la Première Guerre mondiale, sera profondément lié à l’Extrême-Orient. Et il s’agit d’une démarche inédite: jusqu’ici, aucune exposition n’a été élaborée sous l’angle exclusif de l’influence de l’art japonais sur le peintre formé à l’Ecole des beaux-arts de Paris.

Il ne copie pas

En dates

1854

Le traité 
de Kanagawa 
est signé entre les Etats-Unis 
et le Japon, donnant accès 
à deux ports japonais.

1858

Une série 
de traités de paix et de commerce sont signés 
entre le Japon 
et les Etats-Unis, les Pays-Bas, 
la Russie, 
le Royaume-Uni et la France.

1862

La première ambassade japonaise 
est envoyée 
en Europe. 
Elle débarque 
à Marseille.

1867

Première participation du Japon 
à une Exposition universelle.

1868

L’empereur Mitsuhito proclame l’ère Meiji, qui ouvre largement 
le Japon 
aux échanges internationaux.

«Ce petit paysage (La Maison de Roussel, ndlr), simple et raffiné, aux couleurs sourdes, montre que Vuillard maîtrise les codes de l’estampe japonaise», pose en introduction Sylvie Wuhrmann, directrice de la fondation. Spécialiste de l’impressionnisme et du post-impressionnisme, la directrice scientifique émérite du Musée des impressionnismes Giverny, Marina Ferretti, assure le commissariat scientifique du parcours. Et elle prévient d’entrée de jeu: «Vuillard ne copie pas l’art japonais ni ne se prête à un exotisme qui poussaient certains à représenter des Parisiennes habillées en Japonaises.»

Le peintre né en Saône-et-Loire, fils d’une modeste couturière, a vu dans les productions extrême-orientales une façon de dépasser des codes académiques en train de s’essouffler. «Il regarde cet art, le comprend et l’intègre avec subtilité», souligne la commissaire. Selon toute vraisemblance, le jeune homme découvre la production artistique nippone en 1890, il a alors 22 ans, au cours d’une exposition «pléthorique et très didactique», selon les adjectifs de Marina Ferretti, qui se tient justement à l’Ecole des beaux-arts de Paris. Comme les impressionnistes avant lui, Vuillard est séduit par la façon que les Japonais ont de représenter le quotidien, la vie moderne et le paysage.

Il aime aussi cette façon typiquement nippone d’unir le premier et le second plan dans un grand tout très vertical, quitte à rendre la lecture de son sujet quelque peu ardue (mais sacrément ludique). Vuillard apprécie aussi les points de vue plongeants, qui sont monnaie courante dans l’estampe japonaise, la frontalité avec laquelle les sujets sont traités, l’absence d’ombres, les à-plats de couleurs et la juxtaposition de motifs textiles. «Les images de Vuillard sont parfois construites en puzzles décoratifs», analyse Sylvie Wuhrmann.

Une fois ces quelques repères en main, c’est un régal de se laisser porter dans ce riche accrochage – il compte un total de 189 œuvres, dont une cinquantaine d’estampes signées par les plus grands maîtres japonais et prêtées par le Musée Jenisch de Vevey.

Peinture à la colle

Articulée par thèmes, l’exposition propose des pépites dans chaque salle de la belle demeure de l’Hermitage. Pas moins de 61 prêteurs ont permis que cette exposition voie le jour, parmi lesquels des particuliers qui ont confié à l’Hermitage de magnifiques pastels, pourtant très fragiles – on pense au Paysage de Bretagne, contre-jour (1909) et Les gros nuages (1909) –, à admirer au sous-sol, dans une dernière section d’une grande beauté. Dans cette même salle, on peut aussi profiter de plusieurs œuvres que Vuillard a exécutées avec de la peinture à la colle. Cette technique très difficile à dompter – utilisée normalement pour les décors de théâtre, ce que l’artiste aimait faire – confère un mat du plus bel effet aux couleurs. «La couleur est tout de suite absorbée par le carton, on ne peut pas la reprendre. Ce qui est posé est posé. Il faut donc avoir un geste sûr, affirmé et aller vite! C’est très moderne», admire Marina Ferretti.

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