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Le mot de la fin

Chronique. l’art de soigner sa sortie de scène

L’art de sortir de scène a été cultivé jusqu’à plus soif par les pensionnaires du dictionnaire. Morceaux choisis

Façonner sa légende pour la postérité, un art qui se cultive jusque sur son lit de mort, en témoignent les derniers mots de Victor Hugo.

16 février 2023 à 02:01

Le mot de la fin » Si vous êtes une célébrité, vous n’aurez pas le bonheur de prendre votre retraite, car vos paroles seront guettées jusqu’à votre trépas. Et les dernières auront une importance toute particulière.

Parmi les inoubliables, on trouve ceux qui ont songé longuement à leur départ et qui récitent une phrase qu’ils estiment à leur hauteur. «Allons, il est temps que je désemplisse le monde» dit ainsi Victor Hugo qui se savait énorme par le talent. «Ce n’est pas la mort que je crains, mais de mourir», proclama Montaigne offrant avec nonchalance un dernier sujet de dissertation à des générations de collégiens fumistes.

«Ce n’est pas la mort que je crains, mais de mourir»
Montaigne

Certains font même dans la modestie: «J’ai offensé Dieu et l’humanité parce que mon travail n’a pas atteint la qualité qu’il aurait dû avoir», soupira Léonard de Vinci qui n’imaginait sans doute pas que son nom serait synonyme de génie cinq siècles plus tard. Certains pensaient que la postérité leur rendrait justice: «Enfin, maintenant on jouera ma musique», prédit Hector Berlioz. Frida Kahlo, elle, portait le lourd poids de l’existence et voyait la mort comme une échappatoire plus que comme une justification artistique: «J’espère que la sortie est joyeuse et j’espère ne jamais revenir.» Oscar Wilde prendra soin de cultiver sa dérision en consultant la facture de son médecin: «Je meurs au-dessus de mes moyens!»

Mais les artistes ne sont pas seuls à se façonner une posture pour l’éternité. Les hommes de pouvoir ne sont pas en reste et la période de la Révolution française fut féconde en dernières phrases ciselées… Robespierre, le grand ordonnateur de la guillotine, dit ainsi avant de passer à son tour sous la lame: «Passant, ne t’apitoie pas sur mon sort. Si j’étais vivant, tu serais mort.» Et Danton, lui, s’adressera au bourreau: «N’oublie pas surtout, n’oublie pas de montrer ma tête au peuple: elle en vaut la peine.»

Dans le genre, il est permis de préférer la petite voix de Marie-Antoinette s’avançant vers le lieu du supplice et marchant sur le pied d’un autre bourreau… «Pardon, Monsieur je ne l’ai pas fait exprès.» On peut avoir méprisé un peuple jusqu’à se voir renversée et ne pas perdre le sens de la politesse.

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