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Suisse

Logement. Un job, pas de dettes, mais SDF

Ahmed cherche un logement depuis des années mais personne n’a accepté de lui louer un appartement.

L’Armée du Salut fait partie des institutions qui lui ont tendu la main. © Sigfredo Haro/La Côte

6 février 2024 à 20:30

Temps de lecture : 1 min

Il nous a donné rendez-vous dans les locaux de l’Armée du Salut, à Morges. C’est là qu’Ahmed* a trouvé refuge début novembre. Là qu’il a pu soigner le Covid qui s’est abattu sur lui l’automne dernier. Il y a encore trois mois, il dormait dans la rue. Et il crachait ses poumons en toussant. «Ici, je peux me doucher et me faire à manger. J’ai retrouvé un sommeil de qualité, je suis plus actif au travail et je ne vois plus tout en noir.»

Ahmed est SDF. Au bénéfice d’un permis C, il n’a aucune dette à son actif et est engagé comme livreur à 80%. Certes, il ne gagne pas des mille et des cents, mais suffisamment pour prétendre à un logement. Au moins subventionné. Il a beau s’activer, personne n’a encore accepté de lui louer ne serait-ce qu’un studio. Malgré le soutien de la ville de Morges, qui a plusieurs fois appuyé son dossier, rien n’y fait.

Pour comprendre son histoire, il faut remonter le fil du temps et se rendre en Tunisie, sa terre d’origine. C’est là qu’Ahmed vient au monde en 1975 et où il devient entraîneur de chevaux de course. Un beau jour, son regard croise celui d’une Suissesse: c’est le coup de foudre, suivi d’un mariage. En 2012, tous deux s’installent à Morges.

Systématiquement recalé

Quelques mois après son arrivée, Ahmed trouve un emploi et la vie suit son cours. Jusqu’à ce que les liens du couple ne s’étiolent: en 2019, leur union se solde par un divorce. Le quadragénaire se met alors à la recherche d’un nouveau nid. Et c’est la douche froide: à chaque fois, sa candidature est recalée. Par chance, il s’entend très bien avec son ex-épouse, qui accepte de cohabiter avec lui.

«Elle a patienté durant des années», note-t-il avec reconnaissance. Le temps passant, madame refait sa vie et le quotidien se complique dans le petit appartement qu’ils partagent. Ahmed finit par plier bagage. Sans amertume, mais sans solution non plus.

La nuit à la gare

«J’ai mis mes affaires dans des sacs-poubelle que j’ai stockés dans la cave d’une collègue très gentille», raconte-t-il. Dans le discours de cet homme, qui déborde de gratitude envers toutes celles et tous ceux qui lui ont tendu la main, tout le monde est «très gentil» – son ex-femme qui l’a hébergé si longtemps, la ville qui l’a tiré de la rue il y a trois mois, l’Armée du Salut qui lui a offert un gîte – sauf les gérances, qui lui refusent systématiquement un bail. «Après des années de travail, se retrouver dehors, c’est difficile», lâche-t-il, des sanglots dans la voix.

De toit, donc, Ahmed n’en a plus. Ses premières nuits, il les passe dans une voiture. «J’étais tellement fatigué le matin que j’ai eu deux avertissements au travail.» Au bout de quelque temps, il n’a même plus cette possibilité. «J’ai dormi dans des gares, à Morges ou ailleurs, et même dans une déchetterie, au milieu des poubelles.»

Un matin, il se réveille malade et finit par appeler Mama Anne, cheffe du service cohésion sociale, logement et sécurité de Morges. Celle-ci comprend immédiatement qu’il y a un souci. «Elle m’a dit qu’elle n’était pas d’accord qu’il m’arrive quelque chose de grave», se souvient-il.

Un gîte provisoire

La commune trouve un arrangement avec l’antenne morgienne de l’Armée du Salut afin qu’il soit accueilli dans l’une des deux chambres d’accueil d’urgence de la structure. Depuis, Ahmed est au chaud. Mais il n’a toujours pas résolu son problème de fond. «Il est de bonne réputation, a lancé toutes les démarches nécessaires et a bien fait les choses mais, malheureusement, son dossier n’a jamais été retenu», déplore Mama Anne.

Selon elle, le quadragénaire remplit toutes les conditions requises pour prétendre à un logement subventionné d’une ou deux pièces à Morges. La ville, qui est chargée de vérifier que ces critères soient bien remplis, a d’ailleurs tenté d’interférer plusieurs fois en sa faveur auprès de différentes régies. Sans succès jusque-là.

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