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Suisse

Sonia Seneviratne plaide pour une troisième chambre parlementaire

Une troisième chambre fédérale servirait mieux le climat estime la professeure Sonia Seneviratne

Spécialiste des événements climatiques extrêmes, Sonia Seneviratne veut booster le processus parlementaire. © Keystone

16 septembre 2023 à 20:15

Institutions » Mettre en place une troisième chambre parlementaire au niveau fédéral pour faire avancer entre autres la cause climatique? C’est l’idée de la climatologue vaudoise Sonia Seneviratne, membre du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), professeure à l’ETH de Zurich. Avec un groupe de personnalités alémaniques, la professeure a coédité un livre en allemand qui revendique la création d’un Conseil de l’avenir. Explications.

Jusqu’ici vous vous êtes engagée pour faire prendre conscience de la gravité du réchauffement climatique. Maintenant, vous lancez l’idée d’une réforme en profondeur du parlement: la situation est désespérante?

Sonia Seneviratne: Nous sommes dans une situation de crise. A la base du projet, il y a un constat d’échec. Pourquoi n’arrive-t-on pas à avancer plus rapidement en politique, pourquoi ne trouve-t-on pas de solutions qui peuvent être soutenues par la majorité de la population?

Qu’est-ce qui bloque?

«C’est peut-être le moment de repenser notre vision»
Sonia Seneviratne

Nous constatons deux problèmes principaux: d’une part, l’horizon sur lequel les politiciens s’orientent. Réélus tous les quatre ans, ils ont tendance à privilégier les décisions qui ont un impact rapide. Dans le cas du réchauffement climatique, on a affaire à un problème de très long terme qui va demander des efforts de changements d’habitude qui ne seront pas forcément populaires, mais nécessaires pour éviter une situation de plus en plus catastrophique. L’impact des décisions de cette législature se fera sentir dans 20 ans. Les députés ont du mal à se projeter.

Et l’autre problème?

On voit qu’il y a un alignement des politiciens sur la ligne de leurs partis. La polarisation s’est accentuée ces dernières années. Il semble devenu plus difficile de faire des compromis pour le bien commun.

Est-ce que le parlement ne représente plus le peuple?

Le parlement de par sa construction n’a jamais représenté la population de manière équitable. Tous les milieux sociaux ou les tranches d’âge n’y sont pas représentés.

Que peut apporter une 3e chambre sous la forme d’un Conseil de l’avenir?

Cette nouvelle instance se concentrerait sur les questions de long terme. Elle serait constituée de personnes tirées au sort dans le but d’avoir une composition représentative de la population. Cette chambre aurait un droit de véto sur les décisions du parlement soumises au référendum. L’Assemblée fédérale pourrait toutefois révoquer ce véto avec une majorité qualifiée.

Aurait-elle aussi la possibilité d’être proactive?

«Les députés ont du mal à se projeter»
Sonia Seneviratne

Oui, elle pourrait faire des propositions qui s’apparenteraient à des initiatives. Comme la suggestion serait élaborée dans une instance qui n’est pas polarisée en partis, elle pourrait permettre d’aller vers des discussions plus constructives et des solutions plus proches de ce que souhaite la population.

Vous semblez sûre que le Conseil de l’avenir ferait des propositions en faveur de la protection du climat…

Des récents sondages montrent que la préoccupation principale de la population est la crise climatique. Cela dit, on ne peut pas savoir à l’avance quelles décisions prendrait un tel conseil. De par sa composition représentative, je suis confiante que ses suggestions déboucheraient sur plus de compromis.

Changer la Constitution suisse de manière aussi fondamentale prendrait des années. Est-ce la bonne démarche pour trouver des solutions à une crise aussi urgente que le réchauffement?

La question est de savoir s’il est possible de ne pas seulement considérer nos intérêts à court terme, mais aussi sur le long terme. Les auteurs de la Constitution de 1848 avaient aussi une vision pour l’avenir de la Suisse. C’est peut-être le moment de repenser notre vision. On passe d’une crise à l’autre, comme le Covid, Credit Suisse etc. On va souvent faire face à des crises qui demandent de l’anticipation.

Quelle est la prochaine étape de votre projet?

«La préoccupation principale de la population est la crise climatique»
Sonia Seneviratne

Pour les contributeurs du livre, la démarche est terminée. Nous voulions lancer une réflexion. Des conseils citoyens ont été initiés à plus petite échelle en Suisse et ont fait leur preuve en Irlande notamment. Il n’est pas impossible que d’autres propositions suivent à plus large échelle.

Des expériences ont en effet été faites à Sion, Lausanne ou en Argovie. Il y a aussi le Conseil du futur U24 qui s’est réuni pour la première fois le week-end dernier. Néanmoins, ils n’ont pas de véritable pouvoir.

La Suisse a une histoire d’innovation, pensons par exemple aux chemins de fer. Les premières générations de Suisse n’ont pas eu peur de prendre des décisions innovantes et pionnières. Maintenant, nous avons tendance à nous reposer sur nos acquis. Si on veut être fidèle à l’histoire de la Suisse, nous devons continuer à être des pionniers, aussi au niveau du cadre institutionnel.

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