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Suisse

Féminicides. quand la violence tue

Un procès pour féminicide s’ouvre à Neuchâtel. En 2022, seize femmes en ont été victimes en Suisse

Une action pour dénoncer les violences faites aux femmes, en décembre 2021 à Genève.

24 janvier 2023 à 02:01

Homicides » Elle aurait dû fêter ses 36 ans cette année. Il y a deux ans cependant, la vie d’une mère de famille neuchâteloise de nationalité érythréenne s’est brutalement arrêtée. Son mari lui a en effet asséné des coups de couteau lors d’une dispute. Vingt-trois au moins, d’après l’acte d’accusation. Ces graves blessures ont conduit au décès de la jeune femme. L’époux, aussi d’origine érythréenne, a été arrêté et son procès se tient ce mardi au Tribunal criminel de Neuchâtel.

Rappel des faits: le 22 avril 2021 au matin, alertée, la police se rend dans un appartement à Peseux (NE). Elle y découvre une femme grièvement blessée à l’arme blanche. Malgré les soins, elle décède quelques heures plus tard à l’hôpital. Ses enfants, qui n’étaient pas présents lors de ce féminicide, avaient dû être pris en charge par les services compétents, tandis que le mari était interpellé peu après les faits.

«La pointe de l’iceberg»

Les proches de la victime sont défendus par Valérie Maurer. Pour l’avocate, ce féminicide est emblématique de la violence faite aux femmes, «dans la mesure où il s’agit du meurtre d’une femme par son mari, dans un contexte de violence extrême le jour des faits et de la récente venue du mari en Suisse dans le cadre du regroupement familial».

«Tout commence par de la violence verbale»
Béatrice Cortellini

Cette violence extrême – le féminicide –, c’est la «pointe de l’iceberg», selon Béatrice Cortellini, directrice de l’Aide aux victimes de violence en couple (AVVEC), basée à Genève. «Tout commence par de la violence verbale qui peut évoluer vers une violence psychologique, puis physique et enfin sexuelle. Et l’extrême, c’est l’homicide», explique la spécialiste.

En l’absence de statistiques officielles, le site stopfemizid.ch recense les féminicides en Suisse. En 2022, 16 cas ont été rapportés, 26 en 2021 et 16 en 2020. Sans compter les tentatives de meurtre. Il ne s’agit cependant pas de chiffres exhaustifs. Selon l’Office fédéral de la statistique, entre 2009 et 2016, il y a eu en moyenne 50 homicides et tentatives de meurtre au sein des couples. Les victimes étaient des femmes dans quatre cas sur cinq.

«Au cours de sa vie de couple, une femme sur cinq est victime de violence physique et/ou sexuelle», ajoute Béatrice Cortellini. Selon elle, la Suisse n’est pas un cas particulier. «Les chiffres sont relativement similaires dans les pays voisins.»

Harmoniser les pratiques

Concernant les facteurs de risque d’être victime ou auteur de violences au sein du couple, Béatrice Cortellini cite une étude de l’Organisation mondiale de la santé. Sont listés des facteurs personnels et relationnels, l’environnement immédiat ainsi que la société.

«Si une personne n’a par exemple pas appris à exprimer ses émotions ni ses besoins, le risque d’être victime ou auteur de violences augmente», illustre la responsable. Autre exemple: l’école peut jouer un rôle de prévention, pour autant que ces thèmes soient abordés. Tout comme la société, pour peu qu’elle s’intéresse aux violences dans le couple et adopte des lois en conséquence.

Dans le domaine législatif, justement, la conseillère nationale Laurence Fehlmann Rielle (ps, GE) déplore un manque d’harmonisation des pratiques au niveau fédéral. «Dans deux interventions parlementaires, j’avais demandé davantage de moyens pour les centres d’hébergement d’urgence, ce qui permettrait de diminuer le risque de féminicides en mettant les victimes potentielles à l’abri. De même, j’aurais souhaité une formation harmonisée des forces de police au sujet des violences conjugales. Dans les deux cas, le Conseil fédéral a jugé que ces questions relevaient de la compétence des cantons.»

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