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Suisse

Réunir médecins et assureurs sous le même toit. l'idée crée la polémique

Un tel réseau de soin est envisagé pour diminuer les coûts de la santé: mais l’idée suscite l’ire des défenseurs des patients.

Le réseau Arc collabore avec des centres spécialisés pour les maladies complexes, tels que l’hôpital de Bienne ou celui de l’Ile à Berne. © Keystone

26 septembre 2023 à 01:00

Temps de lecture : 1 min

Santé » A l’heure de la douloureuse, les réseaux de soins, rejetés dans les urnes en 2012, ressuscitent. Pour les entreprises, c’est la panacée face à la hausse des coûts de la santé. D’après l’administrateur-délégué du groupe de cliniques privées Swiss Medical Network (SMN) Antoine Hubert, la Suisse va droit dans le mur. «Nous apposons de plus en plus de patchs sur une loi datant de 1995. Les excès actuels ne sont ni la faute du patient, ni du médecin, ni des assurances mais du système et de ses mauvais incitatifs», insiste-t-il.

Dans ce contexte de hausses des primes, SMN a récemment proposé un produit d’assurance spécifique à son réseau Arc dans le Jura bernois. Le groupe s’est associé à l’assureur Visana, une première dans le pays. Objectif affiché: proposer des primes jusqu’à 20% moins chères sans sabrer dans la qualité des soins.

«En faisant davantage de prévention et de traitements en ambulatoire, il est possible de diminuer les coûts.» Antoine Hubert en est persuadé. Ce modèle vise aussi à éviter les doubles examens et les prestations inutiles, via un médecin qui coordonne le parcours du patient. Le fait que les acteurs de la santé ne soient plus payés à l’acte ôte enfin les incitatifs à vouloir multiplier les gestes médicaux.

Davantage de sécurité

La directrice de Santésuisse, l’une des deux faîtières des assureurs-maladie, Verena Nold, salue cette initiative en faveur des soins coordonnés qui réunit notamment médecins généralistes et spécialistes ainsi qu’un assureur et un canton. D’après elle, connaître l’historique médical du patient, en particulier sa prise de médicaments, est aussi synonyme de sécurité pour lui.

Dans cette organisation, les médecins sont salariés du réseau. Ce dernier tire ses revenus des primes des assurés. Visana, SMN et le canton de Berne sont propriétaires du réseau Arc, né en 2022, sur les cendres de l’Hôpital du Jura bernois. Ce dispositif réunit aussi d’autres centres de santé et prestataires de soins.

Selon SMN, l’effet sera positif à long terme. «L’expérience du réseau Ribera Salud, en Espagne, montre un aplanissement des coûts de la santé dans la durée depuis 2002», précise Antoine Hubert. Et d’ajouter que si le système arrive déjà à absorber la hausse de la population et son vieillissement sans augmenter les coûts de l’assurance-maladie et que sans personne ne soit lésé, «ce sera déjà très bien».

Dans ce modèle d’assurance, le patient perd son libre choix du médecin généraliste. Tous les traitements qui ne peuvent pas se réaliser par les professionnels du réseau sont délégués à d’autres établissements partenaires.

Conflit d’intérêts

Concrètement, un forfait par assuré est transmis aux médecins du réseau qu’ils doivent gérer. Antoine Hubert se défend toutefois de vouloir limiter les soins: «C’est toujours le principe de solidarité qui prévaut entre les patients. Le montant des primes est donc utilisé de manière globale pour tous les assurés et non de façon individuelle.» Si le budget par assuré est dépassé, l’organisme de santé, donc ses propriétaires, couvre le montant manquant.

Le président de la section romande de la Fédération suisse des patients, Baptiste Hurni, n’y croit pas. «Il est inquiétant que Visana soit le prestataire de soins puisqu’elle paie directement les médecins. Les praticiens auront un devoir de loyauté envers leur employeur, l’assurance. Or cette dernière a intérêt à prodiguer le moins de soins possible», indique le conseiller national socialiste. «Visana n’est qu’actionnaire du réseau et en aucun cas l’employeur des médecins. L’assureur s’occupe de gérer les primes. SMN se charge de commercialiser le produit et des relations avec les assurés», rétorque Antoine Hubert. «La qualité de ce modèle est garantie par le fait qu’un assuré pourra toujours en changer s’il est insatisfait. Il y a donc un vrai intérêt à veiller à ce qu’il soit pris en charge de manière optimale pour le garder», fait également valoir Verena Nold.

Le paradoxe de cette solution? «Il s’agit de facto d’un plaidoyer pour une caisse unique, renchérit Baptiste Hurni. Au Danemark, ce modèle est intégré à une assurance-maladie unique et publique. C’est donc la santé de la population qui prime, évacuant le conflit d’intérêts.»

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