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Suisse

Les remèdes élaborés par le parlement face à la hausse des primes

Alors qu’une nouvelle augmentation des primes se profile, le monde politique cherche comment alléger la facture des ménages. Sous la Coupole, seuls des compromis très allégés passent la rampe.

Les propositions fusent au parlement pour lutter contre la hausse des coûts de la santé. © Keystone

26 septembre 2023 à 01:00

C’est un des sujets qui agitent le plus les politiques en cette période électorale: les primes d’assurance-maladie. Il est vrai que le thème pointe en tête des préoccupations de la population, selon un sondage réalisé en août par l’institut Sotomo. Et pour cause: depuis vingt ans, lesdites primes n’ont cessé de grimper, pesant de plus en plus lourd dans les porte-monnaie des ménages. Une nouvelle hausse est encore attendue pour l’année prochaine, allant de 8 à 9% selon les caisses. Les chiffres définitifs sont attendus ce mardi.

Pour freiner cette tendance, des propositions fusent de partout au parlement, invitant tantôt à agir sur les subsides, sur les coûts de la santé ou sur le système dans son ensemble. Panorama.

1. Le PS veut limiter les primes à 10% du revenu

Le Parti socialiste a déposé en 2020 une initiative populaire visant à limiter le coût des primes à maximum 10% du revenu disponible de l’assuré. Si l’initiative a été refusée par les deux chambres, le Conseil national a accepté en juin 2022 un contre-projet indirect, qui en reprenait les grandes lignes, mais avec un coût supplémentaire limité à 2,2 milliards de francs – contre 4,5 milliards pour l’initiative. Cependant, la majorité bourgeoise du Conseil des Etats a refusé d’entrer en matière, provoquant de nouveaux allers-retours entre les Chambres.

Finalement, le National a accepté le 13 septembre dernier une option allégée, qui prévoit que les cantons seront obligés de payer un montant minimal de 3,5 à 7,5% des coûts cantonaux de l’assurance obligatoire des soins (AOS), pour une facture supplémentaire de 356 millions de francs. Jugeant le contre-projet adopté «totalement insuffisant», le Parti socialiste a annoncé qu’il ne retirera pas son initiative «d’allègement aux primes». Elle devrait être soumise au peuple courant 2024.

2. Initiative «frein aux coûts» du Centre

De son côté, le Centre a déposé le 10 mars 2020 une initiative populaire qui exige que la Confédération, le Parlement fédéral et les cantons prennent des mesures pour réduire les coûts de la santé lorsque ces derniers «augmentent trop fortement par rapport à l’évolution des salaires». Les deux Chambres ont largement refusé ce texte, considérant qu’il était trop rigide et trop imprécis. Elles ont en revanche accepté un contre-projet indirect, qui prévoit que le Conseil fédéral fixe tous les quatre ans des objectifs de maîtrise des coûts, en consultant les cantons, les assurés, les assureurs et les fournisseurs. L’exécutif établirait donc une sorte de «budget» pour le secteur de la santé.

Les prestations seront aussi soumises à évaluation: si elles ne sont pas considérées comme efficaces, adéquates et économiques, elles ne seront plus remboursées par l’assurance obligatoire des soins (AOS). Pour la conseillère aux Etats Marianne Maret (Centre, VS), le contre-projet va dans la bonne direction, mais n’inscrit pas le principe de contrôle des coûts dans la Constitution fédérale. C’est pourquoi, à ses yeux, le Centre devrait maintenir son initiative «pour un frein aux coûts».

3. Financement «uniforme»

Le dossier occupe le parlement depuis quinze ans: le «financement moniste des soins». Lancé en 2009 avec une initiative parlementaire de la conseillère nationale Ruth Humbel (Centre, AG), le projet prévoit d’uniformiser le financement des secteurs ambulatoire et hospitalier.

Actuellement, les prestations hospitalières sont couvertes à 55% par les cantons et à 45% par les assureurs, alors que les prestations ambulatoires sont entièrement à la charge des assureurs. Dès lors, ces derniers n’ont pas toujours intérêt, financièrement parlant, à favoriser un transfert de l’hospitalier vers l’ambulatoire, même si ce dernier est globalement moins cher. Le dossier est en phase de délibérations depuis six ans. Le 14 septembre dernier, le National s’est prononcé en faveur d’une participation de 28,6% des cantons aux coûts des soins ambulatoires. Le dossier doit désormais retourner à la Chambre haute.

4. L’assurance «budget» du PLR

Le PLR a lancé en mai un projet d’assurance low cost, destinée aux personnes qui sont prêtes à tolérer un «confort moindre» en échange de primes plus basses. Pour bénéficier d’une telle assurance «à bas coût», l’assuré devrait accepter de se soumettre à toute une série de contraintes, a détaillé le conseiller national Philippe Nantermod (plr, VS) dans une chronique pour Blick: consommer uniquement des médicaments génériques (quand ils existent), se soumettre à des examens préventifs, posséder un dossier électronique du patient ou encore accepter que les médecines alternatives, comme l’homéopathie, ne soient pas remboursées.

5. Le retour d’une caisse publique

Fin août, le PS a remis sur la table l’idée d’une caisse publique, portant refusée par la population en 2007 et 2014. «Pour toutes les grandes avancées sociales, il a fallu s’y reprendre à plusieurs fois», a justifié le conseiller national Baptiste Hurni (ps, NE). Le projet prévoit la mise en place de caisses cantonales ou intercantonales, chapeautées par une instance fédérale. Les primes seraient calculées en fonction des salaires, mais ne dépasseraient pas 10% du revenu disponible d’un ménage, a détaillé le Neuchâtelois.

6. L’UDC réfléchit à supprimer l’assurance obligatoire

C’est la proposition la plus radicale de toutes: réfléchir à supprimer l’assurance obligatoire des soins. Elle a été formulée fin août par la conseillère d’Etat UDC Nathalie Rickli dans une interview à la SonntagsZeitung. Considérant que le projet initial de la LAMal, adopté en 1994, «a échoué d’un point de vue financier», la ministre de la Santé zurichoise, membre de l’UDC, a plaidé pour «repenser le système de fond en comble». Si plusieurs élus y ont vu les prémices d’une «médecine à deux vitesses», certains membres de l’UDC ont jugé le questionnement pertinent.

«De plus en plus de ménages peineront à assumer les coûts de la santé»

Peut-on dire que le système de santé suisse dysfonctionne?

Joachim Marti: Disons qu’il atteint ses limites et que la situation n’est pas près de s’améliorer, notamment en raison du vieillissement de la population et de l’augmentation corrélative des maladies chroniques. S’y ajoute le développement de nouvelles technologies de la santé qui sont souvent très chères, sans forcément contribuer significativement à l’amélioration de la santé de la population. Avec ces tendances, on peut prédire que de plus en plus de ménages peineront à assumer ces coûts.

Souscrire à une «assurance budget» pourrait-il les aider?

Ce n’est pas une solution. A mes yeux, cette proposition est une version édulcorée de celle faite par l’UDC, qui suggère de supprimer l’obligation de s’assurer. Dans les deux cas, on créerait des silos entre les personnes bien portantes et les personnes malades, et on concentrerait les risques dans les assurances contractées par les secondes. Dès qu’on crée des silos, on casse la solidarité et le système se trouve fragilisé.

Instaurer une caisse publique, c’est une solution?

De même que l’initiative pour limiter les primes à 10% du revenu, une caisse publique contribuerait à augmenter la solidarité entre les hauts et les bas revenus, car une part plus importante du financement proviendrait des impôts. Elle réglerait donc en partie la question du financement, mais n’aurait pas, ou peu, d’impacts directs sur les coûts de la santé. Or, il faut aussi prendre des mesures sur ce point.

Lesquelles?

Dans le système actuel, il est possible d’agir soit sur les prix des prestations, par exemple en favorisant les génériques, soit sur leurs volumes, notamment en évitant la surutilisation de certains soins, favorisée notamment par le paiement à l’acte des professionnels de la santé. Mais ce n’est pas tout: il faudrait aussi développer davantage la prévention et valoriser la «première ligne de soins», comme les médecins de famille ou les pharmaciens, qui ont un rôle important à jouer dans la gestion des facteurs de risques et le diagnostic précoce de maladies. Une réforme plus en profondeur de notre système très fragmenté et peu lisible serait toutefois nécessaire pour voir l’avenir avec plus d’optimisme.

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