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Suisse

Les partenaires baffés

Représentants patronaux et syndicaux ont subi une déroute électorale, mais leur influence survivra

A l’Usam, le président Jean-François Rime (à dr.) et son directeur Hans-Ulrich Bigler ont tous deux pris une veste.

27 novembre 2019 à 22:56

Elections » L’information est un peu passée sous les radars lors des élections fédérales, mais les partenaires sociaux ont subi une véritable déroute il y a un mois. Certes, les non-réélections du président de l’Union suisse des arts et métiers (Usam) Jean-François Rime (udc, FR) et de son directeur Hans-Ulrich Bigler (plr, ZH) ont fait beaucoup de bruit. Mais elles sont loin d’être les seules. Côté patronal, c’est surtout au sein de l’Usam que l’hémorragie s’est fait ressentir, puisque quatre des cinq parlementaires qui siégeaient au sein de son comité directeur se sont retirés ou n’ont pas été réélus.

Côté syndical, ce n’est guère mieux avec en particulier les vestes récoltées par les socialistes bernois Corrado Pardini, syndicaliste d’Unia, et Adrian Wüthrich, président de Travail. Suisse, ou encore celle du Soleurois Philipp Hadorn, du Syndicat des transports (SEV).

« Si les partenaires sociaux perdent de leur influence au parlement, la conséquence, ce sera une pluie de référendums »

Pierre-Yves Maillard

Des lobbys particuliers

Avec toutes ces défections, les partenaires sociaux vont-ils se retrouver marginalisés au parlement? Pierre-Yves Maillard n’y croit pas un instant: «C’est quoi l’alternative?», s’interroge le président de l’Union syndicale suisse (USS), dont l’élection vient contrebalancer en partie les pertes côté employés. «Si les partenaires sociaux perdent de leur influence au parlement, la conséquence, ce sera une pluie de référendums», prédit le Vaudois. Pour lui, «ce ne sont pas des lobbys comme les autres». Et de rappeler que «le Parti socialiste est l’émanation du mouvement ouvrier, qui a été créé par les syndicats.»

Responsable romand de l’Union patronale suisse, Marco Taddei tient un discours similaire: «Le partenariat social ne sera en rien affaibli par le fait qu’il y aura moins de représentants au parlement. Il se joue dans les cantons, au sein des branches et aussi dans les discussions entre faîtières.»

Deux visions s’opposent

Selon un connaisseur avisé des partenaires sociaux, deux visions s’affrontent à ce sujet: «Les uns pensent qu’il faut au moins un dirigeant au parlement. L’Usam par exemple veut au moins que son président y siège. Les autres estiment au contraire que ce n’est pas forcément un avantage d’être élu, car cela peut restreindre la liberté d’action et de parole. Tôt ou tard, on risque de devoir s’aligner sur les positions de son parti.»

A ce jeu d’ailleurs, Jean-François Rime a dû souvent jouer les équilibristes. Son successeur à l’Usam devrait néanmoins aussi être un élu à Berne. Seule parlementaire survivante au sein du comité directeur, sa vice-présidente Daniela Schneeberger (plr, BL) fait figure de favorite, mais d’autres noms circulent dont celui du Tessinois Fabio Regazzi (pdc), qui siège au parlement de l’Usam.

Un autre spécialiste des discussions européennes privilégie, lui, les dirigeants élus. «Quand les partenaires sociaux siègent au parlement, ils ont au moins un sens politique. Ils bougent sous la pression et lorsque beaucoup d’intérêts sont en jeu. Il faut évidemment qu’ils soient raisonnables, mais cela reste mieux que des techniciens «bêtes et méchants».»

L’Europe et les retraites

L’Europe et les retraites sont les deux grands thèmes où le rôle des partenaires sociaux va s’avérer crucial dans les mois à venir. Dans le dossier européen, ils sont attendus pour trouver une solution quant aux mesures d’accompagnement en vue de signer l’accord-cadre institutionnel. «Sans l’appui des syndicats, on ne va nulle part dans ce dossier», admet Marco Taddei, «d’où les discussions qui se tiennent en coulisses depuis quelques mois».

Si ces discussions restent en coulisses, c’est que côté suisse, on joue la montre. «Il faut préparer une contre-proposition de la Suisse, mais c’est trop tôt pour qu’elle soit faite», explique Pierre-Yves Maillard. «Il faut qu’on puisse avoir d’abord un débat serein sur l’initiative de l’UDC qui sera soumise au peuple en mai», explique Pierre-Yves Maillard. Celle-ci demande la résiliation de l’accord sur la libre circulation des personnes et, en cas d’acceptation, rendrait caduque toute idée d’accord-cadre.

Pour ce qui est des retraites, après l’échec du projet de Prévoyance 2020 en votation populaire il y a deux ans, le Conseil fédéral a confié à l’Union patronale et à l’USS le soin de trouver une solution pour ce qui est du deuxième pilier. Présenté début juillet, ce projet devrait être mis en consultation tel quel par le Conseil fédéral, et ce, avant la fin de l’année. Et là, paradoxalement, les vestes récoltées par les partenaires sociaux pourraient même être un atout. «L’Usam a critiqué notre compromis», explique Marco Taddei. «Son affaiblissement pourrait faciliter le soutien à ce compromis au parlement.»

Collaboration PBO


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