Logo

Suisse

Les multinationales n’aiment pas les traités de régulation

Des négociations dans le cadre de l’ONU ont connu un nouveau round cette semaine. Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres jusqu’à ce que les multinationales soient encadrées par un traité ad hoc. Récit d’une joute aux enjeux colossaux.

Un traité d’encadrement des actions des multinationales est réclamé depuis des années par les ONG. © Keystone

28 octobre 2023 à 20:05

Temps de lecture : 1 min

Multinationales » Au Palais des Nations unies à Genève, les négociations d’un traité de régulation des actions des multinationales, lancé voilà bientôt dix ans, avancent lentement. Mais l’intervention de 54 pays africains, cette semaine, pour demander sa mise en œuvre a fait des étincelles. Pour Raffaele Morgantini, représentant permanent à l’ONU auprès du Centre Europe-Tiers Monde (CETIM), «cette démarche appuyée par autant de pays est historique: face aux tentatives continues pour saper le processus de la part des lobbies des multinationales et leurs alliés politiques, l’ensemble des pays africains, suivis par des pays d’Amérique latine et d’Asie, se sont unifiés pour défendre ce processus!»

Le Tessinois d’origine a accompagné la coalition qui a plaidé l’adoption d’un traité applicable sur toute la planète. Lancé en 2014 à l’initiative de l’Equateur et de l'Afrique du Sud, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a créé un groupe de travail en vue de son élaboration. Mais le texte a pris du retard.

Au 3e article seulement

«Pour l’instant nous ne sommes qu’au troisième article de la convention, c’est compliqué de trouver un consensus sur des sujets si complexes lorsque des intérêts économiques et commerciaux aussi importants sont en jeu», explique le trentenaire. Pourtant, certaines des revendications sont au cœur de l’actualité. Ainsi, l’ONG palestinienne PENGON se bat contre Mekorot, une entreprise contrôlée par l’Etat israélien. Créée en 1937 et présente dans une dizaine de pays, cette multinationale possède un monopole sur la gestion de l’eau en Israël et en Palestine. Depuis le 7 octobre et l’attaque du Hamas en Israël, elle a coupé l’eau dans Gaza sur ordre du ministre israélien de l’énergie. Une décision qui s’apparente à un crime de guerre, selon Hamza Zubeidat, militant de Friends of the Earth Palestine.

Une autre militante, Leticia Oliveira est venue du Brésil. Elle fait partie d’un collectif qui lutte contre la multinationale Vale dont le siège est à Saint-Prex (VD). «En novembre 2015, un barrage a cédé à Mariana. Au total ce sont 45 municipalités et près d’un million de personnes qui ont été touchées.» Si l’entreprise vaudoise a depuis mis en place une fondation pour reconstruire certaines habitations touchées par la catastrophe, elle refuse de publier les chiffres et les actions concrètes réalisées par cette fondation. Pour l’activiste brésilienne, cette catastrophe écologique aurait pu être évitée si Vale n’avait pas laissé ces infrastructures péricliter avec l’accord tacite des autorités. «S’il y avait un traité qui permettait de tenir des multinationales comme Vale responsables, elles prendraient probablement leurs responsabilités plus au sérieux», explique la jeune femme.

Glencore épinglé

Avocate colombienne auprès de l’ONG Siembra, Viviana Tacha a également fait le déplacement à Genève. Elle reste convaincue de la nécessité d’un traité pour mettre fin à l’impunité des entreprises dans son pays. «En ce moment même, il existe 21 demandes d’indemnisation devant le mécanisme d’arbitrage international pour un total de 12,8 milliards de pesos colombiens (près de 3 millions de francs suisses), mais rien n’avance.» Parmi les sociétés attaquées, on retrouve la Suissesse Glencore, propriétaire en Colombie de la plus grande mine de charbon à ciel ouvert d’Amérique latine.

Pour cette avocate, les mécanismes des cours d’arbitrage internationales sont encore trop en faveur des entreprises et de l’économie, négligeant souvent de prendre en compte les droits humains et ceux des populations indigènes. «Il y a un vide juridique que nous voulons remplir afin de mieux pouvoir protéger les militants et défenseurs des droits humains.» Viviana Tacha dénonce également la présence des entreprises, représentées par des lobbies, au sein du processus. «Ils ne devraient pas être là, ils ont un conflit d’intérêts évident. Tout ce qu’ils veulent c’est perdre le plus de temps possible et tuer le processus.»

Ce contenu provient de notre ancien site web. Il est possible que sa mise en page ne soit pas idéale. En savoir plus