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Suisse

Les dossiers secrets de l’«armoire à poisons» du diocèse de Bâle

De nombreux dossiers personnels de prêtres susceptibles de faire scandale, datant la plupart de 1935 à 1980, étaient cachés dans les sous-sols de l’évêché de Bâle. Aujourd’hui accessibles, ils révèlent qu’au moins un ecclésiastique sur vingt posait problème dans le diocèse.


9 décembre 2023 à 19:00

Abus dans l’Eglise » L'«armoire à poisons» se trouvait dans les caves de l’évêché de Bâle, à Soleure. Verte, métallisée, fermée à clé, elle contenait dans ses tiroirs les dossiers personnels de prêtres susceptibles de faire scandale. Ces dossiers, qui portaient principalement sur les années 1935 à 1980, étaient classés secrets. Même les collaborateurs n’y avaient pas accès. Désormais libérés et rangés dans les archives régulières, accessibles au public, ils révèlent l’ampleur du drame des abus et le traitement déficient de certains cas par les autorités diocésaines de l’époque.

Comme le révèle dans son édition de samedi le quotidien Aargauer Zeitung, les anciennes archives secrètes contenaient les dossiers de 145 prêtres. Durant la même période, environ 2500 prêtres étaient en fonction. Autrement dit, le diocèse de Bâle considérait qu’un ecclésiastique sur vingt posait problème. «En réalité, précise le journaliste Andreas Maurer, qui a pu consulter ces anciennes archives, la proportion est probablement plus élevée. L’évêché n’a pas archivé certains cas d’abus dans les archives secrètes, mais dans les archives normales. De plus, il ne s’agit que des cas qui sont documentés au sein de l’Eglise.»

Pour 50 centimes

Certains des cas fichés ont été dénoncés à la justice civile, d’autres réglés directement par l’évêché, avec plus ou moins de naïveté, de complaisance ou de laxisme. Le journal met en lumière cinq affaires couvrant tout le spectre du registre des abus. Le cas d’un père du couvent d’Einsiedeln, ordonné en 1937 et décédé en 1987, est particulièrement éloquent. Accusé par une femme au foyer lucernoise de 27 ans de lui d’avoir soutiré des faveurs sexuelles, après qu’elle eut avoué sous le sceau de la confession avoir enfreint le sixième commandement (adultère), il prétend d’abord ne plus s’en souvenir avant de reconnaître dans une lettre «une prédisposition sadique». Sa punition se limitera à des exercices spirituels et à l’interdiction de «recevoir individuellement des personnes féminines en dehors du confessionnal».

L’Aargauer Zeitung évoque aussi deux cas patents de prêtres pédophiles. L’un, curé dans deux paroisses du canton de Soleure dans les années trente, aurait abusé de neuf écoliers et enfants de chœur. «Il me donnait 50 centimes ou un franc, parfois du chocolat, et me demandait de ne rien dire à personne», confia lors de l’instruction un adolescent de 14 ans. L’abbé fut condamné à 18 mois de prison mais récidiva, après avoir fait de belles promesses à l’évêque. L’autre prêtre, qui avait déjà commis une «faute morale» en Allemagne, fut engagé dans les années cinquante dans une paroisse soleuroise, le diocèse de Bâle manquant à l’époque de prêtres. Il fut finalement condamné pour abus sexuels contre plusieurs garçons.

En novembre dernier, l’évêque de Bâle, Mgr Felix Gmür, menacé de sanctions financières de la part de l’Eglise cantonale lucernoise et de plusieurs paroisses, a rappelé que le diocèse a pris de nombreuses mesures pour gérer la question des abus et prévenir de nouveaux cas. Un cabinet d’avocats a ainsi été mandaté afin de mener les enquêtes préliminaires sur la base du droit canonique concernant les abus sexuels. Les enquêteurs doivent également examiner les demandes de réparation morale dans ce domaine. En outre, une avocate indépendante et externe est déjà en charge de la coordination sur les cas d’abus depuis 2017.

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