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Suisse

Coopération. «L’aide à Ukraine ne doit pas se faire sur le dos du Sud global»

Le Conseil fédéral prévoit de réduire la part du budget fédéral alloué à l’aide au développement dans les pays pauvres, contrairement à ses intentions initiales. Tollé dans les milieux de la coopération. Interview d’Andreas Missbach, directeur d’Alliance Sud.

Le Conseil fédéral a annoncé une diminution de 1,4% de l’enveloppe publique consacrée à la coopération internationale. © Keystone

24 février 2024 à 11:05

Temps de lecture : 1 min

Faut-il diminuer l’aide aux populations des pays du Sud? C’est l’intention du Conseil fédéral qui annonçait récemment une diminution de 1,4% de l’enveloppe publique consacrée à la coopération internationale (CI). Couplée à l’ajout de l’aide à la reconstruction de l’Ukraine, 1,5 milliard de francs, à ce même poste de dépense, cette décision équivaut à une baisse importante du budget fédéral de l’aide au développement, dénoncent les œuvres d’entraide suisses réunies sous la bannière d’Alliance Sud. Explications d’Andreas Missbach, son directeur.

L’an dernier encore, le Conseil fédéral avait envisagé une augmentation du budget de la coopération dans le Message sur la CI 2025-2028. Quelles sont les raisons de ce changement?

Andreas Missbach: Cela s’explique principalement par l’énorme hausse inattendue des dépenses militaires, combinée au mécanisme de frein à l’endettement. Le gros du budget de la Confédération est constitué de frais fixes. La coopération internationale fait partie de quelques domaines – comme l’armée, l’éducation, la culture et l’agriculture – où une part du budget peut être variable. Et le Conseil fédéral a choisi de tailler là. En résumé, la décision est d’acheter davantage d’armes et de moins aider les populations défavorisées dans les pays pauvres.

En décembre, vous dénonciez déjà l’inclusion de la reconstruction de l’Ukraine dans le budget de la coopération, au détriment des pays du Sud…

Oui, l’augmentation prévue de 2,5% limitait les dégâts causés par cette décision pour les pays pauvres, mais était problématique. Aujourd’hui, avec une baisse de 1,4%, cela signifie des coupes significatives dans les budgets alloués aux populations des pays dans le besoin! Le budget de 1,5 milliard pour l’Ukraine représente plus d’argent que celui prévu pour les 18 pays prioritaires de la DDC en Afrique subsaharienne.

Si cette diminution était confirmée, quelles en seraient les conséquences?

Il y aurait probablement des coupes dans tous les domaines, tant dans les aides bilatérales que multilatérales, mais probablement pas dans l’aide humanitaire, vu la recrudescence actuelle des crises. Cela signifie que, vraisemblablement, nombre de projets de développement ne seraient pas renouvelés et probablement certains devraient être arrêtés avant terme. Cela se traduirait par exemple par moins d’accès à l’eau et à l’énergie, moins d’adaptations au changement climatique…

La consultation du Conseil fédéral sur la nouvelle stratégie en matière de coopération avait déjà montré l’attachement de la majorité des partis politiques et de la société civile à ce domaine…

Oui, 75% des réponses à la consultation sur la stratégie de CI 2025-2028 ont plaidé pour que l’aide à l’Ukraine ne se fasse pas au détriment d’autres régions et priorités de la CI. Si le Conseil fédéral dégrade encore son propre plan en réduisant le budget 2025, il fera totalement fi de la consultation.

La Suisse devrait normalement augmenter les sommes allouées à la coopération pour répondre à l’objectif des Nations Unies que chaque pays y consacre 0,7% de son produit national brut (PNB)? Où en est-on?

Nous sommes très loin des objectifs internationaux. Le pourcentage alloué à ce domaine stagne depuis des années. Il était prévu de passer de 0,4 en 2022, à 0,36% du budget de la Confédération pour 2025-2028. Là on sera en dessous.

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