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Initiative «Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage»

La burqa à l’ère du masque

La votation sur l’interdiction de se dissimuler le visage tombe comme un paradoxe en pleine crise sanitaire, alors que les masques ont envahi l’espace public. Karin Keller-Sutter a lancé ce mardi la campagne du «non»


19 janvier 2021 à 22:56

Temps de lecture : 1 min

Politique » La scène était un brin cocasse ce mardi: couverte d’un élégant masque en tissu noir moucheté de formes géométriques, Karin Keller-Sutter est venue lancer devant les médias la campagne du non à l’initiative antiburqa, qui vise une interdiction de se dissimuler le visage en public. Impossible d’esquiver ce paradoxe: «Il y a un an, il était encore inimaginable pour nous qu’à cause de la crise du coronavirus, on doive aujourd’hui tous porter un masque», a déclaré la conseillère fédérale en ouverture. «Je ne m’y suis toujours pas habituée», a-t-elle confessé. «Quand on se rencontre, on doit pouvoir voir le visage de l’autre, car on peut y lire beaucoup de choses.»

Voir le visage de l’autre comme fondement des relations humaines dans nos sociétés occidentales, c’est justement l’argument qu’avancent les initiants pour défendre leur texte. Quelle influence aura dès lors la situation sanitaire sur la campagne? «Je ne peux pas en juger», répond la ministre de la Justice, tout en reconnaissant qu’il y a «une certaine ironie à ce que nous devons voter sur cet objet juste maintenant».

Un cas de figure prévu

Dans le camp des partisans de l’initiative, on essaie de tirer parti de la situation. «Ce que j’espère, déclare Jean-Luc Addor, c’est que, comme les Suisses se sont retrouvés à expérimenter ce que représente comme atteinte à la liberté le fait de devoir porter un masque, ils comprendront plus facilement l’enjeu de l’initiative.»

20 à 30

femmes porteraient le voile intégral en Suisse

L’UDC valaisan souligne également que l’initiative a anticipé ce cas de figure, puisque parmi les exceptions inscrites dans le texte sont mentionnées «les raisons de santé». Et le conseiller national d’arguer: «Le texte résiste à l’épreuve du feu, même dans cette situation que personne ne pouvait prévoir.» A noter que l’initiative prévoit quelques autres exceptions: pour des raisons de «sécurité» (port d’un casque à moto ou à skis par exemple), pour des raisons «climatiques» (port d’une cagoule en hiver) ou pour des «coutumes locales», en particulier les masques de carnaval.

En revanche, le texte ne prévoit pas d’exception – et cela est volontaire – pour le tourisme. Cela explique l’opposition des milieux touristiques à ce texte. «Une interdiction à l’échelle nationale pourrait nuire à l’image de la Suisse et affecte le tourisme de loisirs et d’affaires, ainsi que le secteur des congrès et expositions», souligne ainsi HotellerieSuisse dans sa prise de position. Les riches touristes des pays du Golfe qui fréquentent la Bahnhofstrasse à Zurich, la rue du Rhône à Genève, les rues de Montreux ou Grindelwald, représentent en effet un marché juteux.

Dragon de Gottéron banni

Une autre exception que l’initiative ne prévoit pas – et là l’oubli est probablement involontaire –, c’est celle concernant les mascottes sportives ou publicitaires. Cette lacune a été relevée par Damien Cottier (plr, NE) lors des débats parlementaires. Et comme la liste des exceptions se veut exhaustive, exit en principe en cas de oui le dragon de Gottéron ou le bonhomme Michelin.

Précisons encore que l’initiative vise une interdiction du port du voile intégral et non du simple foulard islamique (hijab). Bien qu’on parle d’initiative antiburqa, celle-ci est excessivement rare en Suisse. La burqa est cet habit bleu ciel porté principalement par les femmes afghanes, muni d’un grillage en dentelles sur le haut du visage. Ce qu’on aperçoit plus régulièrement en Suisse comme voile intégral, ce sont des niqabs, à savoir un foulard muni d’une voilette camouflant le bas du visage, si bien que seuls les yeux de la femme sont visibles.

Vingt à trente seulement

En dehors des touristes de passage, il n’y aurait que 20 à 30 femmes en Suisse qui portent un voile intégral, selon une étude de l’Université de Lucerne. Selon la même étude citée ce mardi par Karin Keller-Sutter, la plupart de ces femmes ne subiraient aucune contrainte de leur père ou de leur mari pour porter un niqab et seraient en majorité des Suissesses converties à l’islam.

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